La filière betteravière broie du noir
Pour la récolte de betteraves qui commence à peine, les rendements pourraient chuter de 50 % à cause de la jaunisse virale. Le 1er octobre, à Beauce-la-Romaine, les représentants de la filière ont détaillé la situation à Philippe Vigier, député centriste d’Eure-et-Loir.

La jaunisse de la betterave a été le thème d’une rencontre entre les représentants de la filière et Philippe Vigier, député Modem d’Eure-et-Loir, le 1er octobre à la ferme de Lierville, à Verdes (commune déléguée de Beauce-la-Romaine), qui abrite la station de multiplication de semences du groupe Deleplanque.
Alexandre Pelé, président de la CGB Centre-Val de Loire, a ouvert la discussion : « La récolte s’annonce catastrophique ! Comment en sommes-nous arrivés là ? Dès leur levée, les betteraves ont été envahies par les pucerons verts. Déjà, la colère des agriculteurs était grande de devoir réaliser deux à trois traitements en pulvérisation pour lutter contre ces pucerons, vecteurs de la jaunisse virale. Au-delà des coûts supplémentaires engendrés, les agriculteurs n’ont pas envie de sortir les pulvérisateurs pour réaliser des traitements insecticides, d’autant que ceux-ci se sont révélés insuffisamment efficaces : les pucerons étaient toujours présents et la maladie s’est rapidement déclarée dans l’ensemble de nos parcelles ».
Le dirigeant syndical a ajouté : « Le Centre-Val de Loire est la région la plus touchée : 100 % des parcelles et 100 % des betteraves sont atteintes de la jaunisse virale. Économiquement, nous ne sommes plus dans le rouge mais dans le noir ! Que faisons-nous pour les emblavements de 2021 ? Nous ne pouvons pas jouer à la loterie ! ».
Présidents respectivement de la section Cristal Union de Pithiviers-le-Vieil (Loiret) et de la sucrerie Tereos d’Artenay (Loiret), Olivier Duguet et Olivier Legrand ont insisté sur les pertes de rendements occasionnées par la jaunisse. Celles-ci se situent entre 40 % et 50 %.
« Historiquement, les pucerons étaient surtout présents en Grande-Bretagne et sur la bordure maritime. Là, c’est la région betteravière la plus au sud qui est la plus touchée. Aucune région n’est à l’abri. Où seront les pucerons dans les années à venir ? », s’est exprimé Laurent Boisroux, directeur de l’agronomie chez Deleplanque.
Philippe Vigier a déclaré : « Même si cela crée le débat au sein de la majorité, la proposition de loi dérogatoire à l’interdiction des néonicotinoïdes en traitement de semences sera votée au Parlement ! ». Le député a ajouté : « Dans le plan de relance, la recherche d’alternatives aux néonicotinoïdes devra être une priorité ».
Selon Alexandre Pelé, « la recherche a besoin de temps ». La demande de dérogation s’accompagne d’ailleurs d’un plan national de recherche et d’innovation, porté par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et l’Institut technique de la betterave (ITB), pour renforcer cet effort de recherches sur les alternatives à l’utilisation des néonicotinoïdes.
« Toutes les pistes doivent être explorées ! », a insisté le président de la CGB Centre-Val de Loire.
Le représentant de Deleplanque espère « un début de solutions combinées dans deux ou trois ans ». « Que faisons-nous dans l’intervalle ? », s’est demandé Alexandre Pelé, pour qui « les néonicotinoïdes restent en attendant la meilleure solution ». Des propos repris à son compte par Bertrand Petit, président de la FNSEA 28 : « Quand on traite la semence, la dose est moindre ».
Laurent Boisroux a prolongé l’analyse : « Ce qui est accepté pour la santé humaine est refusé pour les plantes ! ». Olivier Legrand n’a pas dit autre chose : « Avec les néonicotinoïdes, nous n’avons jamais eu de résistance ».
Olivier Duguet a soulevé cette question : « Les outils industriels sur nos territoires sont intimement liés aux surfaces de betteraves. La catastrophe agronomique et économique de la jaunisse menace la filière betterave-sucre dans son ensemble : des agriculteurs aux sucreries, en passant par les entreprises d’arrachage et de transport, les sous-traitants industriels, la restauration et tous les autres emplois induits ».
Pour sa part, Alexandre Pelé a souligné les engagements de la profession au sein du plan de transition qui a été remis au ministre de l’Agriculture le 22 septembre dernier. « Il faut des solutions pragmatiques », a-t-il déclaré.
Bertrand Petit l’a dit avec ses propres mots : « Il faut trouver des solutions faisables pour l’agriculture ». Franck Pointeau, planteur de betteraves à Charsonville (Loiret), s’est exprimé dans le même sens : « L’agriculteur ne doit pas être une variable d’ajustement. Nous ne pouvons pas prendre le risque de perdre 50 % de notre production ! ».
Au fil des échanges, le président de la FNSEA 28 a déclaré : « Depuis une vingtaine d’années, les gens innovants n’ont pas été récompensés proportionnellement à leur prise de risque par rapport à ceux qui n’avaient rien entrepris ».
Le représentant syndical a poursuivi en s’interrogeant sur la manière dont les agriculteurs s’approprieront le plan de relance, « alors qu’il n’y a jamais eu autant d’argent sur la table ».
Le mot de la fin est revenu à Alexandre Pelé : « Il faut maintenir la culture de la betterave. Celle-ci est génératrice de plus-value et permet la présence d’outils industriels sur le territoire. Nous sommes motivés ! ».
Olivier Joly
Photo : Jeudi 1er octobre, à la ferme de Lierville, qui abrite la station de multiplication de semences du groupe Deleplanque. Les représentants de la filière betteravière ont rencontré Philippe Vigier, député Modem d’Eure-et-Loir.