Productions insolites
La famille Luche embarquée dans la culture du bambou
À Egry dans le Loiret, la famille Luche s'est lancée depuis deux ans dans la culture du bambou. Rencontre.
À Egry dans le Loiret, la famille Luche s'est lancée depuis deux ans dans la culture du bambou. Rencontre.


Au registre des productions insolites, la famille Luche tient toute sa place. Polyculteurs et éleveurs de volailles de chair, Romuald et son épouse Céline ainsi que leur fils Dorian sont particulièrement attentifs depuis quelques années aux possibilités de diversification qui s'offrent à eux. Les à-coups climatiques qu'ils observent et les restrictions d'eau qui leur sont imposées sur le secteur du Fusain (Loiret) les conduisent à envisager d'autres cultures, plus résilientes et moins gourmandes en eau.
En 2022, Romuald Luche s'est lancé dans une culture encore méconnue en France et même en Europe, celle du bambou. « J'ai planté 2,5 hectares en mai 2022. Il y avait plusieurs prérequis dont celui de trouver une parcelle en pleine propriété puisque la culture est implantée pour une durée de 80 à 120 ans et être en capacité d'irriguer, explique l'agriculteur loirétain. J'avais une parcelle idéale à proximité de mes poulaillers, plutôt sablonneuse et pas trop argileuse avec le forage situé à cinquante mètres. J'ai simplement apporté de la matière organique avant la plantation, essentiellement du fumier de volailles et du compost issu d'un élevage bovin voisin ».
18 000 pieds par hectare
L'agriculteur a opté pour une variété de bambou traçant, le Moso, qu'il a planté selon une organisation bien précise. « J'ai fait des bandes de 15 mètres avec cinq rangées de 3 mètres et une sixième rangée vide pour permettre le passage des machines pour la récolte. Cela représente 18 000 pieds par hectare. » Côté irrigation, Romuald Luche a installé les conduites à mesure que les lignes de plantation étaient effectuées. « C'est un système de goutte-à-goutte qui nous permet des économies d'eau substantielles. L'eau est filtrée en bout de champ et l'installation est équipée d'une pompe doseuse pour faire de la ferti-irrigation », explique-t-il.
Récolte à partir de la 5e année
Si le bambou n'est cependant pas une culture consommatrice d'intrants — un apport d'engrais solide au printemps et un second apport liquide dans l'été suffit généralement — il l'est davantage en main-d'œuvre puisque l'ensemble des travaux s'effectue à la main. « Les trois premières années qui suivent la plantation, le travail est minime et consiste simplement à nettoyer la parcelle, explique Romuald Luche. À partir de la quatrième année, on effectue un éclaircissage pour éliminer certaines chaumes et laisser se développer les plus vigoureuses. Généralement, les premières récoltes ont lieu cinq à six ans après la plantation ».
Rungis en ligne de mire
Deux types de récoltes peuvent alors s'opérer. La première, celle des pousses, au printemps, sera destinée à l'alimentation humaine. « Les asiatiques sont des inconditionnels des pousses de bambous. Aujourd'hui, 100 % de ce qui est consommé en France est importé. Les pousses seront toutes destinées au Marché international de Rungis. Il y a potentiellement un gros marché de consommation qui s'offre à nous », espère Romuald Luche.
Pour la construction et l'ameublement
À partir de la neuvième année post-plantation, la récolte des chaumes pourra également avoir lieu chaque hiver. « Lorsque les bambous atteignent leur taille adulte, avec des chaumes de 10 à 12 centimètres de diamètre et des hauteurs qui peuvent varier entre 10 et 20 mètres, les chaumes peuvent être coupées, mises à terre et commercialisées pour les secteurs de la construction, de l'ameublement ou encore du textile ».
Séquestration de carbone
Parmi les autres atouts qui ont séduit l'agriculteur, figure la capacité de la culture à séquestrer du carbone. « Une forêt de bambou capte plus de carbone qu'une forêt de bois classique et ne relargue rien puisqu'en plus il ne brûle pas », se réjouit Romuald Luche.
Dans le département, sept autres agriculteurs se sont lancés dans l'aventure et à ce jour, la France compte environ 80 planteurs pour un total de 400 hectares dont les plus récents ont été implantés en 2018.
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