La Chambre du Loiret à l’heure américaine
Durant une journée, Alain Bellicot, installé aux États-Unis et spécialisé dans le
conseil agronomique et l’agriculture de précision, a été l’invité de la Chambre d’agriculture.
Dans notre édition de la semaine dernière, nous avions consacré un article à Alain Bellicot. Ce Bourguignon, installé aux États-Unis depuis plus de quarante ans, dirige la société CropOne, spécialisée dans le conseil agronomique et l’agriculture de précision. Le mercredi 24 février, l’homme se trouvait chez les Établissements Cornet, à Pithiviers-le-Vieil, où il était intervenu devant un parterre de techniciens et d’agriculteurs. Le jeudi 3 mars, le chef d’entreprise était l’invité de la chambre d’agriculture. Le matin, lors d’une réunion du bureau, il prit part à une discussion à bâtons rompus.
Jean-Jacques Hautefeuille ouvrit les échanges : « Dans les médias du service public français, il y a une propagande anti-pesticide. Or nourrir le pays avec une agriculture entièrement biologique est impossible. Il y a un consensus entre la droite et la gauche pour défendre notre industrie nucléaire et l’opinion publique adhère. Pourquoi n’y a-t-il pas le même consensus sur les pesticides ? Nos dirigeants politiques manquent de courage ! » Commentaire d’Alain Bellicot : « Nous sommes tous consommateurs de programmes télévisuels et on entend ce qu’on veut entendre. »
La discussion se poursuivit avec cette intervention de Michel Masson : « Il y a un décalage de mentalité entre les États-Unis et la France. Outre-Atlantique, le concept est le suivant : il faut une agriculture performante pour nourrir le monde. Les farmers sont soutenus par les responsables politiques vis-à-vis de l’opinion publique. Chez nous, celle-ci est favorable à l’agriculture, mais à celle d’avant. La modernité est brocardée. Aux États-Unis, la science ne fait plus peur aux gens. En France, on a des marchands de peur ! » Philippe Galloo : « En France, l’opinion des gens est influencée par la télévision et les médias. Aux États-Unis, il existe d’autres systèmes d’influence. » Réaction d’Alain Bellicot : « Chez nous, on n’hésite pas à progresser. On a la volonté de faire. »
Des ventes aux enchères
Au pays de l’oncle Sam, le statut du fermage n’existe pas : « Des baux ruraux de un à trois ans : c’est dangereux » s’exprima l’un des participants. Outre-Atlantique, louer un hectare coûte de 500 à 700 € et il arrive qu’il faille payer à l’avance. Pour un achat, les prix oscillent entre 10.000 et 20.000 € de l’hectare et les ventes se font aux enchères. « Il est aussi facile de s’installer que de faire faillite s’exprima le consultant. Aux États-Unis, les agriculteurs représentent 2 % de la population. Demain, on peut tourner à 1 % : la technologie le permet. » L’endettement des agriculteurs crée une bulle spéculative qui peut exploser un jour. « Ceux qui restent, ce sont les meilleurs » déclara Michel Masson.
Alain Bellicot analysa : « On travaille avec les Universités, l’administration, les chambres d’agriculture, les coopératives et les fabricants de matériel afin que les agriculteurs en tirent profit : si c’est le cas, moi aussi, j’en bénéficie. » Outre-Atlantique, les exploitants s’engageant dans l’agriculture de précision bénéficient d’un soutien financier de 40.000 €. En 2015, dans le Minnesota, en maïs, les rendements ont été de 120 q/ha avec un taux d’humidité de 18 %. Sur quelques dizaines d’hectares, on a enregistré des records de 300 quintaux ! Sans irrigation. En soja, les rendements sont passés de 40 q/ha à 45 q/ha : les résultats s’améliorent mais moins vite qu’en maïs. En quelques années, en betteraves sucrières, les rendements sont passés de 50 t/ha à 80 t/ha avec un taux de sucre de 17 %. Les betteraviers américains n’utilisent plus que 40 unités d’azote par hectare contre 100 auparavant. Précisons que la betterave leur est payée 46 € la tonne.