Interview
« Il faut rendre l'assurance attractive et incontournable »
François Cazin est vigneron à Cheverny et président de la Fédération des associations viticoles de Loir-et-Cher (FAV 41). Gel, assurance, marché, stocks… Il répond à nos questions.
François Cazin est vigneron à Cheverny et président de la Fédération des associations viticoles de Loir-et-Cher (FAV 41). Gel, assurance, marché, stocks… Il répond à nos questions.
Horizons : Quelles sont vos constatations à la suite de l'épisode gélif ?
François Cazin : Dans le département, nous avons un historique gélif important. Il n'y a pas un gel qui ressemble à un autre. Cette année, ce gel hivernal a impacté l'ensemble du vignoble, surtout les zones qui ont rarement des dégâts de gel. Ça a touché des vignobles protégés par des infrastructures antigel.
Même protégés, c’est la nature qui a le dernier mot. Cela a eu un impact général. Et dans les zones où les vignes étaient débourrées, celles-ci ont pris le gel de plein fouet. Les parcelles les plus avancées ont été gelées en premier.
On est sûrs d'avoir perdu un gros potentiel mais on ne peut pas encore connaître le volume. La chambre d'Agriculture y travaille.
Comment vont les vignerons ?
Cette perte économique énorme a, en plus, un impact psychologique fort. Certains vignerons n'avaient jamais connu ça. Je pense aux jeunes agriculteurs qui avaient encore moins besoin de ça.
Quid de l'assurance multirisque climatique ?
Il faut que tout le monde soit pris en charge au même niveau avec le soutien annoncé de l'État, assuré ou pas. Il faut que les vignerons prennent en considération que l'assurance climatique est indispensable. Quand on s'assure c'est une charge pour l'exploitation, pour protéger son entreprise et pour passer le cap.
Les cotisations permettent aussi de protéger le voisin. L'assurance couvre d'autres paramètres tels que la sécheresse.
Cependant, elle est mal adaptée avec le calcul basé sur la moyenne olympique sur cinq ans. Car avec la succession de gel en 2016, 2017 et 2019, la moyenne est basse. Il vaudrait mieux prendre le potentiel de production : historique sur une période plus longue, âge de la vigne, mode de conduite.
Même si l'outil doit être revu, on s'assure pour passer un coup dur. Il faut rendre l'assurance attractive et incontournable.
Comment se porte le marché ?
La pandémie a amputé les ventes, et les taxes Trump (25 %) ont impacté les commandes à l'export. Au mois de mars c'est bien reparti avec un moratoire sur les taxes de quatre mois. On espère que les responsables politiques prendront le taureau par les cornes, car nous sommes pris en otage d'un conflit qui touche l'aéronautique.
Au niveau structurel ?
Il y a toujours une crise structurelle sous-jacente : juste avant le gel, la situation était excédentaire. Les récoltes en dents de scie doivent être prises en considération. Il faut arriver à trouver des outils pour réguler l'offre et se donner la capacité de stocker. Beaucoup de vignerons ont l'habitude de travailler à flux tendus. Ceux qui ont l'habitude du gel gardent de la marchandise pour les années creuses mais il faut arriver à gérer.
Actuellement, il y a moins d'à-coups sur le marché que sur la production. Mais quand il y a une succesion de bonnes récoltes, le prix baisse sous le seuil du prix de revient. Un commerçant n'a pas le droit de vendre à perte mais un agriculteur peut produire à perte !
Justement, comment s'adapter ?
La régulation du volume sur le marché permet de réguler le prix. C'est la seule solution. La gestion prévisionnelle des stocks par exemple fait partie des outils qui permettent de répondre aux variations des récoltes.
Notre atout, c'est que le produit récolté peut se garder. Il faut le mettre à profit, ce qui implique de faire des vins qui se gardent un peu et changer ses méthodes de travail. Ceci, à côté du marché des vins jeunes auquel il faudra toujours répondre.
Les stocks sont-ils finalement un atout ?
Quand on a deux ou trois bonnes récoltes, on a tendance à oublier qu'il faut du stock. Accumuler des bonnes récoltes doit être un atout pour faire face à ces phénomènes. Il y a un travail à faire sur la fiscalité sur les stocks. Ce n'est pas normal que l'on paye des impôts sur les stocks l'année de production.
Il vaudrait mieux payer l'année où le stock est commercialisé. Avec la Covid-19, l'aide au stockage mise en place va permettre aux vignerons de passer le cap. Si l'an prochain nous faisons une bonne récolte, il faut les bons outils pour anticiper.