Fête agricole :Un comice ensoleillé mais un sale temps pour l’agriculture
Si le beau temps était de la partie lors du comice de Châtillon-Coligny, la morosité de la conjoncture a alimenté les discussions.
«C’est un événement très important. Il met en lumière le monde agricole et rural. Or nous sommes souvent oubliés : nous sommes situés à l’extrémité Est du Loiret, donc de la région. Je suis heureuse d’accueillir les parlementaires : c’est bien pour notre petit coin. Cela fait un an que les gens se préparent. C’est une surprise de voir à quel point la population s’est mobilisée pour le fleurissement de la ville : la commune n’a rien acheté, sauf le papier crépon. Les visiteurs viennent de loin : cela met la commune en valeur. »
Il était environ 9 heures, ce samedi 30 août, lorsque Nicole Vignier, maire de Châtillon-Coligny, nous reçut dans son bureau. Quelques instants plus tard, le flot des personnalités venues honorer de leur présence le comice agricole déferlait sur la place de la mairie ! Un bus les y attendait. Direction le champ où se tenait le concours de labour, à environ trois kilomètres de là.
Cédric Boussin, président des Jeunes Agriculteurs du Loiret, se préparait à monter à bord :
«Une fête de l’agriculture et de la ruralité à part entière : l’occasion de discuter à l’intérieur du monde agricole, de son contexte et de son environnement.» Le dirigeant syndical délivra ce message : «Il y a toujours des agriculteurs et les jeunes sont là pour représenter le monde agricole même si le contexte de cette année 2014 est difficile.» En cause : la mauvaise qualité des récoltes et les prix céréaliers orientés à la baisse. «Mais la volonté des JA est de promouvoir le renouvellement des générations d’agriculteurs.»
Le ventre de la société
L’événement revêtait une dimension internationale puisque Ton van Maanen, adjoint au maire de Geldermalsen, ville néerlandaise de vingt-sept mille habitants avec laquelle la commune de Châtillon-Coligny est jumelée, figurait parmi les invités : «On sent une unité dans l’organisation et mettre le passé en valeur crée une connexion avec le futur.» La région dont était originaire l’élu batave se caractérisait par sa production de fruits : les sujets agricoles ne lui étaient pas étrangers !
Originaire du Congo démocratique (NDLR : ex-Zaïre) et présent depuis quatorze ans dans la région, Marcel Anganga, curé du secteur, vivait son troisième comice : «Ce qui me frappe, c’est la volonté d’être ensemble pour célébrer un événement avec ce que nous sommes et ce que nous avons. Chaque endroit est différent mais le fait de s’accueillir, c’est ce qui fait la joie et la vie d’un peuple : on ne peut pas être seul.» L’homme d’Église poursuivit : «Dans mon pays, l’agriculture a toujours été considérée comme le ventre de la société. Même le chef du village se rend chez les agriculteurs : sans eux, c’est la famine et on en meurt. D’où la considération envers ces hommes et ces femmes qui travaillent la terre.»
Vice-président de l’Asavpa (Association des Salariés agricoles pour la Valorisation et le Progrès agricoles), Norbert Roblin était également de la partie : « Le comice relate la vie agricole, notre métier. Les populations agricoles et citadines y sont mélangées. Nous cultivons des produits de qualité. D’où l’intérêt de montrer ce que nous savons faire. L’agriculture, ce sont des exploitants mais aussi des salariés. »
Un exercice technique
L’épreuve de labour avait rassemblé treize concurrents. Les critères de jugement étaient les suivants : une ligne droite parfaite, une profondeur constante, la régularité du labour, l’ouverture, la fermeture et la dérayure. Chargé de l’organisation des épreuves, Patrick Mulon fit ce commentaire : «Il y a de tout : du très bien et du très mal.» Selon le spécialiste, le sol était humide et aucune végétation n’avait sali le sol. «La descente du tracteur» et «le visuel» constituaient deux clés pour réussir : «Prendre un point fixe à l’horizon et rester dessus sans en dériver. Il faut donc tenir sa parallèle ou son point constant.»
Demeurant à Montargis, Pascal et Anne avaient assisté aux grandes manœuvres : «Notre fils de quatre ans est intéressé par le monde agricole, notamment les tracteurs. Le labour est un exercice technique qui requiert de la précision : c’est bien retourné.» Installée à Orléans mais ayant grandi à Châtillon-Coligny, Annabelle était également venue avec ses enfants : «Leur arrière-grand-père avait une ferme. D’où l’intérêt de leur montrer comment il faisait et quelle a été l’évolution.»
Installé à Sainte-Geneviève-des-Bois
La délégation officielle se rendit ensuite à l’exposition de bestiaux. Parmi les exposants, figurait David Loiseau, installé à Sainte-Geneviève-des-Bois : «Un comice sans animaux, ce n’est pas un comice ! Être présent me fait connaître car je me suis installé il y a moins de deux ans (NDLR : le 01/01/2013). J’ai recréé une exploitation : vaches laitières et chèvres.» Le professionnel transforme sur place et vend directement à la ferme et sur les marchés.
Discours officiels : ils ont dit...
Nicole Vignier, maire de Châtillon-Coligny : Mes parents m’ont enseigné le respect de la terre, de ceux qui la cultivent et l’entretiennent. Le comice a un effet fédérateur et rassembleur : il met le monde rural en lumière. Pour attirer la population, il est important de disposer de services publics de qualité et d’un cadre de vie agréable. Or l’administration supprime ses permanences.
Jean-François Thoizon, président du comice : Votre présence marque votre attachement au monde rural. L’engagement de tous les bénévoles, qui se dépensent sans compter, est très réconfortant ! Nous sommes réunis pour faire partager notre métier d’agriculteur et communiquer. La conjoncture économique et les conditions climatiques vont déstabiliser la trésorerie de nos exploitations. Le comice offre l’occasion de montrer que nous travaillons de manière raisonnée : vive le comice ! Vive l’agriculture française !
Cédric Boussin, président des Jeunes Agriculteurs : Le comice est la fête de l’agriculture et de la ruralité. Les jeunes représentent l’avenir du monde agricole et de notre profession. Certes, le contexte est difficile : les rendements sont bons mais la qualité des moissons est moindre et les prix sont orientés à la baisse.
Jean Daudin, président de la FDSEA : Grâce aux agriculteurs, les gens peuvent faire un comice : l’occasion de se rencontrer et de se découvrir. (…) Consommateurs, quelles sont vos attentes ? Disposer de produits de qualité et manger français ? Si c’est le cas, dites-le nous ! On ne peut pas avoir un double langage ! Nous ne pouvons être que pessimistes : tout va mal ! En 2014, quel agriculteur aura des résultats positifs ? Il faut que les prix agricoles nous permettent de vivre. L’État, qui est désargenté, pourrait alléger les contraintes : ce serait une source d’économies. On ne peut pas avoir une économie forte avec des contraintes lourdes. L’agriculture est le socle de notre société. Il faut être capable de construire quelque chose qui permette aux jeunes de s’installer. Soyez fiers de vos agriculteurs, de notre agriculture et n’écoutez pas les oiseaux de mauvais augure !
Michel Masson, président de la chambre d’agriculture : Il n’y a pas grand-chose qui soit dans le vert. Nous sommes dans un nouveau monde avec une fluctuation des cours et des aléas climatiques : nous devons nous adapter. Quelle entreprise peut durablement vendre en-dessous de ses coûts de production ? L’agriculture représente 15% de la population active : on a intérêt à conserver ces emplois ancrés dans le territoire. La France est le premier pays au monde en termes de sécurité alimentaire. Mais la surabondance de normes tue le fonctionnement de l’économie : c’est valable pour l’agriculture et pour toutes les PME. Notre pays dispose d’un climat tempéré, d’agriculteurs performants et d’une recherche de qualité : il faut libérer les énergies et non enfermer celles-ci avec une camisole de force ! Il faut remettre l’église au centre du village. Un message d’espoir : nous avons tout ce qu’il faut pour nourrir neuf milliards d’êtres humains et nos jeunes sont formés. Mais nous avons besoin que les textes de loi soient dépoussiérés : pour qu’une entreprise se développe, il ne faut pas que la réglementation change tous les jours. L’agriculture est prête à relever tous les défis mais ne nous mettons pas des bâtons dans les roues ! Pour faire du social, il faut de l’économique.
Alain Grandpierre, président de la communauté de communes de Châtillon-Coligny et conseiller général : Nous sommes dans un canton rural mais nous n’éprouvons aucun sentiment d’isolement : notre canton vit et nous avons envie de prospérer. Je m’adresse aux parlementaires car il serait souhaitable que nous connaissions les règles du jeu : réforme territoriale, regroupement des communautés de communes, élections avancées ? Certains élus locaux se demandent s’il faut s’engager pour un nouveau mandat. Des interrogations auxquelles s’ajoute une lourdeur administrative.
François Bonneau, président du Conseil régional : Nous ne devons pas envisager pour notre pays que l’agriculture devienne une activité industrielle : des exploitations de mille hectares ou plus, cela ne correspond pas à notre conception de l’aménagement du territoire. Via l’enseignement agricole, l’apprentissage et les Maisons familiales, nous disposons de jeunes bien formés, permettant d’envisager l’avenir des exploitations agricoles. L’agriculture peut porter nos bourgs et nos villes moyennes. La gestion des fonds européens est transférée à la Région. J’y vois trois enjeux : l’aménagement du territoire, l’économie et l’environnement. Ceux-ci s’articulent les uns dans les autres.
Jean-Pierre Door, député-maire de Montargis : Les responsables agricoles qui se sont exprimés précédemment ont raison sur tout. Mais je ne suis pas aussi pessimiste qu’eux : nous devons nous battre et retrouver un brin d’optimisme. La loi d’Avenir est une loi sur l’agrico-écologie. Il faut que le texte aille plus loin concernant les jeunes agriculteurs. Il faut aménager le principe de précaution car celui-ci participe au blocage de l’agriculture. Quant à la directive nitrates, elle n’a pas de fondement scientifique réel. Les conséquences de la situation politique entre l’Ukraine et la Russie vont devenir terribles pour l’agriculture et le secteur agroalimentaire dans
le monde occidental, notamment en Europe et en particulier en France. Le gouvernement devra s’emparer de la question afin qu’on retrouve de la sérénité.
Paul Laville, sous-préfet de Montargis : Cinquante emplois d’avenir ont été réservés pour l’agriculture dans l’arrondissement de Montargis. À la clé, une enveloppe de 500.000 €. Il faut avoir le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté. La performance économique et l’environnement doivent aller de pair.