Éthanol : la filière espère une croissance des débouchés
Maintenant passée l’incertitude du débat international sur le changement d’affectation des sols, la filière de l’éthanol juge le marché des biocarburants mûr pour un rebond. Alors que la croissance de l’incorporation dans les moteurs se poursuit, mais de façon ralentie depuis deux ans, la collective du bioéthanol entend se consacrer désormais pleinement à la montée en puissance de l’E10 et de l’E85, a-t-elle indiqué lors d’une conférence de presse le 2 février.

Libérée des débats interminables de 2012 à 2015 sur le Casi (Changement d’affectation des sols indirect), avec l’adoption de la directive Casi en juillet 2015, la filière, représentée par la collective du bioéthanol, veut se consacrer au déploiement de l’utilisation de l’éthanol. La collective du bioéthanol est composée de l’Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) et du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA). L’AIBS est elle-même composée de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) et du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS). La consommation d’E10 (l’essence à 10 % d’éthanol) a progressé de 4 à 7 points par an de part de marché entre 2010 et 2013, mais depuis, la croissance est ralentie, avec moins de 2 points de croissance de part de marché par an, a relevé Sylvain Demoures, secrétaire général du SNPAA. En 2010, après un an de lancement de l’incorporation d’éthanol à 10 % dans l’essence, le SP95 E10 occupait une part de marché de 13 % du SP95, en volumes commercialisés. Cette part a atteint 17 % en 2011, puis 24 % en 2012, puis 29 % en 2013.
Marges de progression importantes en grande distribution
À partir de cette année, l’augmentation s’est effectuée plus lentement : la part de marché de l’E10 s’est élevée à 31,6 % en 2014, puis à 33,2 % en 2015, a exposé Sylvain Demoures. « C’est une croissance ralentie, mais nous estimons avoir une chance de la faire repartir », a-t-il commenté. En effet, le potentiel exploitable existe : 57 % des stations-service de la grande distribution ne distribuent pas d’E10. Les stations-service des pétroliers sont en revanche très majoritairement (74 %) équipées. Le SNPAA est confiant quant au rattrapage de la grande distribution. En effet, de grandes différences sont visibles selon les enseignes, laissant entrevoir de fortes marges de rattrapage : Intermarché arrive loin en tête, avec 238 stations équipées. Leclerc arrive loin après avec 81 stations, et Carrefour avec 66 stations, a ajouté Nicolas Kurtsoglou, responsable « carburants » au SNPAA. Les conditions de compétitivité de l’E10 sont propices à un tel rattrapage : le SP95 E10 est « en moyenne 4,5 centimes » moins cher à la pompe que le SP95. Le syndicat des éthanoliers cite comme exemple fréquemment rencontré celui de pompes affichant 1,250 euro le litre de SP95 et de 1,205 euro le litre de SP95 E10. Cette compétitivité est une incitation à l’équipement de pompes de SP95 E10 chez les GMS.
La filière veut se rendre plus visible auprès des automobilistes
Le potentiel de croissance est à la portée de la filière. La collective a commencé des actions auprès des garagistes pour mieux renseigner les automobilistes. « Trop souvent les garagistes découragent les automobilistes de mettre de l’E10 dans les moteurs, par ignorance », a témoigné Pierre Chasseray, délégué général de « 40 millions d’automobilistes ». Quant à l’E85 (l’essence à 85 % d’éthanol pour les moteurs flex-fuel), sa croissance se déroule à raison de trois à quatre ouvertures par semaine. L’E85 est 25 % moins cher pour les particuliers que le SP95, et 35 % moins cher avec TVA déduite à 80 % pour les entreprises, a souligné Jacques Rivoal, le président de Volkswagen-France. La compagnie allemande a lancé en décembre un modèle de voiture flex-fuel, la Golf Multifuel E85. Pour 13 000 km parcourus, l’E85 fait économiser 400 euros par an par rapport au SP95 E10, a calculé Nicolas Kurtsoglou.
Fiscalité, taux d’incorporation : l’horizon réglementaire éclairci
La filière de l’étahnol bénéficie maintenant d’une « visibilité et de perspectives retrouvées », a analysé Nicolas Rialland, responsable « éthanol » à la CGB. Les valeurs du Casi ne sont finalement pas prises en compte dans les bilans de gaz à effet de serre des biocarburants. Le dossier du Casi est celui de la prise en compte de l’empreinte des biocarburants en termes de gaz à effet de serre sur toute la planète. Du coup, la Commission européenne a attribué aux biocarburants de première génération (qui sont produits à partir de matières premières comestibles comme la betterave, le blé, le maïs, le colza, la canne, l’huile de palme) un taux d’incorporation jusqu’à 7 % dans les transports, au lieu des 5 % prévus en 2012 au début des discussions. Du coup, l’atteinte de ce plafond de 7 % d’incorporation ouvre un potentiel de 20 millions d’hectolitres (Mhl) d’utilisation dans l’UE : 75 Mhl potentiellement incorporables en 2020, contre 55,4 Mhl incorporés en 2014 dans l’UE. Suivre la progression de la demande ne semble pas être un obstacle pour la production. La production d’éthanol génère des co-produits valorisables, tels les pulpes de betteraves et drèches de céréales, riches en protéines, tandis que les effluents industriels comme les vinasses peuvent être méthanisés, et le CO2 vendu pour la fabrication de sodas dès aujourd’hui, et demain combiné à de l’hydrogène pour produite du méthane. En France, l’éthanol est produit à une faible majorité à partir de betteraves, et à une forte minorité à partir de céréales, principalement de blé.