Archéologie
Dans les pas de Champollion
Le chercheur lyonnais François Desset et ses collègues ont déchiffré l’élamite linéaire, une écriture iranienne vieille de plus de 4 000 ans. C’est une découverte archéologique majeure.
Le chercheur lyonnais François Desset et ses collègues ont déchiffré l’élamite linéaire, une écriture iranienne vieille de plus de 4 000 ans. C’est une découverte archéologique majeure.
Image : Inscription en élamite linéaire sur un cône trouvé à Suse (détail), Zunkir, 2020 - licence CC BY-SA 4.0
Nos confrères de Sciences et avenir l’ont annoncé le 7 décembre : l’archéologue François Desset a déchiffré une écriture utilisée en Iran il y a 4 400 ans : l’élamite linéaire.
Il a résolu là une énigme centenaire. Depuis que l’élamite linéaire a été mis au jour en 1901 sur des tablettes en argile, sur le site antique de Suse, personne n’avait réussi à le décoder.
C’est un système d’écriture phonétique et cunéiforme : il se présente comme une combinaison de signes réguliers en forme de clous triangulaires, qui notent des syllabes, des consonnes et des voyelles.
Il a a été utilisé entre 2 300 et 1 900 avant J.-C dans l’ancien royaume d’Élam, sur le plateau iranien, en particulier sous le règne du souverain Puzur-Inshushinak.
Cette découverte est le résultat de quatorze ans de recherches, qui se sont accélérées en 2017.
François Desset et son équipe - Kambiz Tabibzadeh, Matthieu Kervran et Gian-Pietro Basello - analysent des signes inscrits sur des vases funéraires en argent issus de tombes de la région de Kam-Firouz (l’actuel Fars, en Iran) et datés de 2000-1900 avant J.-C.
Ils remarquent alors que des mêmes séquences de signes sont répétées plusieurs fois. Ils comprennent que ce sont des noms propres. Ils identifient les caractères permettant de noter les noms de deux rois et de la divinité Napirisha, alors vénérée dans le sud-ouest de l’Iran.
Signe après signe, syllabe après syllabe, ils décryptent l’ensemble des inscriptions des vases, qui s’avèrent être des prières adressés à d’anciens dieux. Et l’élamite linéaire tout entier finit par livrer ses secrets.
Les résultats complets de ces travaux seront publiés courant 2021.
Ils modifient nos connaissances sur l’apparition de l’écriture au Proche-Orient. Deux écritures serait en fait nées à la même période, vers 3 300 avant J.-C, dans deux régions différentes : en Mésopotamie, l’actuel Irak (le système proto-cunéiforme), et en Iran (le système proto-élamite, l’ancêtre de l’élamite linéaire).
Une révolution dans le monde de l’archéologie, qui considérait jusqu’ici la Mésopotamie comme seul berceau de l’écriture.
François Desset a 38 ans, il est chercheur au CNRS Archéorient de Lyon et enseignant à l’université de Téhéran. Il entre dans le cercle très fermé des décodeurs d’écritures antiques.
Il rejoint deux autres Français : l’abbé Barthélémy, expert des alphabets palmyréen et phénicien, et bien sûr Jean-François Champollion, qui a déchiffré les hiéroglyphes en 1822.