Conjoncture 2015 : Une hausse du revenu agricole qui ne reflète pas les réalités
Si l’Insee annonce une hausse du revenu agricole 2015 moins importante que ce qu’elle avait prévu en décembre, ces bons résultats contrastent avec la situation vécue sur le terrain par les exploitants victimes, notamment, de la crise de l’élevage et de la sécheresse.
Un chiffre « impossible » et «incompréhensible» pour l’APCA, «hors sol» pour la FNSEA qui y voit « une provocation » : l’augmentation de 4,8 % du revenu des actifs agricoles calculée par la Commission des comptes de l’agriculture de la Nation (CCAN) pour 2015, a choqué l’ensemble de la profession lors de sa publication, le 5 juillet. Un résultat néanmoins revu à la baisse depuis les prévisions de décembre qui annonçaient 8,8 % d’augmentation. L’agriculture a bénéficié du repli des produits pétroliers, faisant baisser de 16 % le poste « énergie et lubrifiants ». Le prix des aliments pour animaux (achetés aux industries agroalimentaires) diminue également de 3,5 %, avec une baisse nettement plus marquée des aliments pour l’allaitement dont le prix chute de 10,5 %. Le coût des autres consommations intermédiaires reste globalement stable. Le volume total de la production agricole diminue (-1,6 %) mais est compensé par une hausse des prix de + 1,4 %. Par conséquent, la valeur ajoutée brute augmente de 1,8 % ce qui, compte tenu de la diminution du nombre d’exploitants, correspond à une hausse de 3,1 % par actif (en termes réels, c’est-à-dire déflatée de l’indice du PIB). La forte hausse des subventions contribue à ces résultats globaux, avec + 8,4 % des subventions sur les produits (+4,4 % pour les productions végétales et +9,9 % pour les productions animales). Les subventions d’exploitation s’élèvent quant à elles à 8,6 milliards d’euros, en hausse de 6,2 %, et incluent les mesures exceptionnelles prises dans le cadre du plan de soutien à l’élevage et les indemnités au titre des calamités agricoles. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) a également permis aux exploitants de diminuer leurs charges salariales à hauteur de 330 millions d’euros en 2015, contre 220 en 2014.Fort contraste entre les secteurs La situation reste néanmoins extrêmement hétérogène en fonction des productions, ce que l’absence d’analyse sectorielle occulte dans les résultats de la CCAN. Le prix des productions végétales (hors subventions) augmente ainsi de 6,3 %, tirée par les fruits et légumes dont les pommes de terre, et les oléagineux qui bénéficient de la faiblesse de l’offre. Le prix des vins a lui aussi progressé avec + 2,1 %, grâce aux disponibilités limitées et aux exportations vers les pays tiers. En revanche, le prix du blé recule et surtout, celui des productions animales (hors subventions), qui augmentent en volume, chute de 6 %. On relève ainsi, dans le détail, - 11,7 % pour le lait qui souffre d’une offre abondante au niveau international, - 7,1 % pour le porc, après une année 2014 déjà difficile (- 10 %), en raison d’une offre abondante et de l’embargo russe, - 4% sur le veau qui fait face à une demande trop faible, et - 3,2 % sur les volailles. Le prix de la viande bovine reste également orienté à la baisse (- 1,1 %). Une telle disparité, éclipsée par les indicateurs de la CCAN, ne permet pas de mesurer l’ampleur de la crise de l’élevage qui a fortement impacté les producteurs l’année passée. Il faudra attendre décembre 2016 pour des résultats sectoriels consolidés.