Portrait
Chahrazed Dhimane : jambes de coton, mental d'acier
Chahrazed Dhimane, Villepreusienne (Yvelines) atteinte d'une sclérose en plaques, a participé au Marathon des sables de Jordanie en novembre dernier.
Chahrazed Dhimane, Villepreusienne (Yvelines) atteinte d'une sclérose en plaques, a participé au Marathon des sables de Jordanie en novembre dernier.
Ne pas donner raison à la maladie : tel est le leitmotiv de Chahrazed Dhimane depuis le diagnostic de sa sclérose en plaques (SEP), intervenu en 2013. La jeune femme n'est alors âgée que de 29 ans. Elle est orthoptiste et coordinatrice de recherches cliniques à la Pitié Salpêtrière à Paris. Un jour, elle sert de « cobaye » lors d'un examen de la rétine et l'on se rend compte que certains nerfs ont été altérés. Cette névrite optique aurait pu passer complètement inaperçue : l'acuité visuelle de Chahrazed Dhimane est toujours de 10/10 et elle ne ressent aucun symptôme. Le professeur de médecine avec lequel elle travaille pose alors l'hypothèse de la sclérose en plaques.
Déjà maman d'un petit garçon, elle a trois autres enfants, malgré les risques sur sa santé. Après la quatrième grossesse, elle veut reprendre une activité physique. Elle tente de courir, mais au bout de dix minutes, elle est prise de vertiges. « C'était la première fois que la maladie m'empêchait de faire quelque chose sans qu'il y ait de véritable poussée. Cela m'a atteinte. La course, pour moi, c'était la liberté », se remémore-t-elle. Elle ne peut plus courir ? Elle s'inscrit à des cours de fitness, de renforcement musculaire, et décide de tenter la marche nordique. « Je voulais défier la maladie, montrer que j'étais capable de faire des choses toute seule », explique-t-elle. En regardant des vidéos sur les réseaux sociaux, elle se rend compte qu'il existe un événement qui pourrait répondre à son envie de se challenger : le Marathon des sables. Il s'agit d'une course étalée sur quatre jours, au cours de laquelle les participants choisissent entre un parcours de 70, 100 ou 120 kilomètres, et qui peut se faire en marchant.
À la grande stupéfaction de son entourage, elle s'y inscrit. Malgré son manque d'entraînement, elle s'envole début novembre pour le désert du Wadi Rum, en Jordanie. La première journée de 30 kilomètres est dure. Elle découvre la difficulté de marcher dans le sable. Son sac est trop lourd. Des ampoules se forment sur ses pieds. La deuxième journée est pire encore. La chaleur, la fatigue, la peur quand, à la nuit tombée, des chiens errants surgissent — elle est alors seule, en queue du peloton — tout ceci la fait douter. Arrive la bifurcation : à gauche, c'est la route que l'on prend lorsqu'on fait 60 kilomètres ; à droite, la route des 40 kilomètres. « Dans ma tête, je me dis : si je prends celle des 40, je donne raison à ma maladie. » Elle part à gauche et, dans un état de quasi-somnolence, avance en répétant : « Un pas après l'autre, un pas après l'autre... ». Elle arrive au bout de vingt heures d'effort, à 3 heures du matin. À sa grande surprise, d'autres concurrents l'ont attendue et célèbrent son courage. Elle finit le Marathon des sables le lendemain, obtenant le fameux statut de « finisher ».
« Le Marathon des sables m'a permis de me découvrir, de connaître mes limites, mais aussi la force du mental », explique-t-elle. Elle se rend compte qu'elle a aussi donné à d'autres l'envie de se dépasser. Depuis, elle a repris sa vie de maman, mais avec des projets en tête : refaire un Marathon des sables, continuer les épreuves sportives, et, peut-être un jour, courir à nouveau.