Bien-être animal : La profession agricole a son mot à dire
Alors que la parole sur le bien-être animal semble monopolisée dans les médias par les associations anti-viande, la profession agricole entend faire entendre sa voix et expliquer au grand public les réalités du métier d’éleveur, métier qui repose avant tout sur la relation avec l’animal.
« On nous a confisqué notre parole », a résumé Etienne Gangneron, vice-président de la FNSEA et éleveur bio, à la fin de la journée organisée par la FNSEA sur le bien-être animal, le 24 janvier. En effet, les agriculteurs ont parfois le sentiment que les médias ne relaient que le discours extrême de certaines ONG qui, sous couvert de défendre le bien-être animal, prônent le véganisme. Mais la parole de l’éleveur compte pour le grand public ! Si la tâche est parfois ingrate, elle ne décourage pas ces professionnels passionnés qui doivent apprendre comment et auprès de qui communiquer. Car ce n’est pas aux ONG qu’ils doivent s’adresser en premier lieu, mais à la société civile et derrière elle, aux consommateurs de viandes et produits laitiers qui constituent encore 98 % de la population française.
Evolution de la demande sociétale
Si les débats autour de la viande se sont cristallisés ces dernières années, c’est qu’ils reflètent en effet l’évolution des attentes sociétales autour de l’alimentation. Comme l’a rappelé Véronique Pardo, anthropologue et membre du comité scientifique de l’Observatoire Cniel des habitudes alimentaires (Ocha), un tiers des grandes questions sociétales actuelles portent sur le bien-être animal et l’environnement. Ainsi, d’après une étude menée avec le Crédoc et l’Université de Toulouse sur les inquiétudes alimentaires, les deux principaux facteurs d’inquiétude pour les viandes ont changé ces dernières années, passant en 2009 de l’alimentation animale et de l’origine au bien-être animal et à l’hygiène (maladies animales, DLC...) en 2016, avec un niveau d’inquiétude croissant. La thématique des conditions d’élevage apparaît également en 2016 pour ce qui concerne les produits laitiers comme un facteur d’inquiétude même à un niveau moindre. L’inquiétude est moins forte concernant les produits laitiers (57 % en 2016), mais les interrogations sur l’hygiène et la fraîcheur sont prédominantes. Depuis 1996 et la crise de la vache folle jusqu’au scandale des lasagnes à la viande de cheval en 2013, le contexte a permis la montée en puissance d’associations environnementales et d’activistes animalistes, reconnus aujourd’hui comme des lanceurs d’alerte légitimes.
Communication et réseaux sociaux
Cette montée en puissance a été efficacement relayée par le développement des réseaux sociaux. « La formation et les réseaux sociaux sont essentiels, c’est là que se forge l’opinion », a souligné Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA, lors de la conclusion. « On n’a pas été formé à communiquer sur le métier », regrette de son côté Jérôme Pitot, membre du conseil d’administration de Jeunes agriculteurs, éleveur de vaches allaitantes. Pour reprendre la parole, il ne faut donc pas se tromper d’outils, ni de discours, constatent l’ensemble des participants. « Il faut assumer qu’on élève des animaux pour faire de la viande pour que le consommateur puisse la manger », ajoute Christiane Lambert. L’atout principal des éleveurs, c’est de pouvoir parler de ce qu’ils font avec simplicité et sincérité. "Il faut à notre tour être plus proactif, montrer des images et témoigner, car il y a un vrai risque pour l’élevage, un vrai risque de désaffection pour la viande, un risque de perte de moral pour les éleveurs, un risque de désintérêt pour les jeunes agriculteurs. Notre stratégie, c’est de s’adresser beaucoup plus au consommateur pour restaurer la confiance, aux politiques pour faire savoir ce que nous faisons, aux ONG, pas les abolitionnistes mais celles qui sont constructives et avec qui nous allons multiplier les contacts. Et enfin, nous voulons nous adresser à l’opinion publique, pour faire passer les messages, dire ce que nous faisons pour retisser une image positive de l’élevage", a ainsi affirmé la première vice-présidente de la FNSEA. Le 14 février, une journée sur ce thème sera ainsi organisée. Des éleveurs témoigneront de leurs pratiques et du lien particulier qu’ils entretiennent avec leurs animaux, un lien dont la qualité est indispensable pour assurer la durabilité de leur activité. De la réglementation européenne à la mise en place de standards mondiaux En 1976, la convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages était une initiative des législateurs, posant la base des quarante années suivantes en matière de protection animale en Europe, explique Luc Mirabito, chef de projet Bien-être animal à l’Institut de l’Elevage. La convention a instauré cinq grands points : tout animal doit bénéficier de conditions de vie appropriées à ses besoins physiologiques et éthologiques, sa liberté de mouvement ne doit pas être entravée de manière à lui causer des souffrances inutiles, il doit bénéficier d’une alimentation suffisante, son état de santé doit faire l’objet de contrôles réguliers, et les conditions ambiantes doivent être adaptées à ses besoins. L’Europe a poursuivi la législation sur le sujet, notamment avec le Traité d’Amsterdam en 1997 (comprenant un protocole additionnel sur le bien-être des animaux en tant que créatures douées de sensibilité) et l’article 13 du titre II du traité de Lisbonne promouvant le bien-être animal. Aujourd’hui, on assiste à un basculement : l’Organisation mondiale pour la santé animale (OIE) intègre progressivement dans ses plans stratégiques la nécessité de mettre en place des standards internationaux en matière de bien-être animal. La montée en puissance de cette organisation correspond aux nouveaux enjeux : « le monde à venir sera moins réglementaire, plus ouvert, mais aussi plus exigeant », explique Luc Mirabito. Tout l’enjeu sera, pour la profession agricole, de jouer son rôle dans l’élaboration et la diffusion de standards en matière de bien-être animal.