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 Interview
Arnaud Rousseau élu à la tête de la FNSEA : « La force de la FNSEA, c’est d’être un tout ! » 

Le Seine-et-Marnais Arnaud Rousseau vient d'être élu nouveau président de la FNSEA ce jeudi 13 avril. Il succède à Christiane Lambert.

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.
Arnaud Rousseau, président de la FNSEA.
© FNSEA

Le Seine-et-Marnais Arnaud Rousseau vient d'être élu nouveau président de la FNSEA ce jeudi 13 avril. Il répond à nos questions.

Vous venez d’être élu président de la FNSEA. Est-ce pour vous un aboutissement ? 

A.R. : C’est la poursuite de mon engagement pour le métier que j’ai choisi, celui d’agriculteur. J’ai autour de moi une équipe solide, compétente et plurielle, à l’image de notre agriculture et de nos filières. Je sais aussi pouvoir m’appuyer sur un vaste réseau d’élus et de collaborateurs engagés à nos côtés. Cette communauté de talents fait la richesse du réseau FNSEA, pour accompagner les transitions de l’agriculture et la faire rayonner. C’est collectivement que nous porterons les ambitions et revendications de la FNSEA et de son réseau.  

Les observateurs établissent un parallèle avec l’un de vos prédécesseurs, Xavier Beulin. Vous avez un parcours presque similaire, FNSEA, FOP, Avril… La comparaison s’arrête-t-elle là ?  

A.R. : J’ai eu la chance de côtoyer Xavier Beulin, c’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai fait mes débuts dans le syndicalisme agricole, en rejoignant la Fop dès 2005. Nos parcours personnels et professionnels, nos personnalités sont différentes. A 49 ans, j’ai la chance d’avoir encore mes parents. Ils m’ont accompagné, conseillé, orienté quand j’ai choisi ce métier et me suis installé en 2002. C’est structurant dans la construction d’un parcours de vie. Xavier n’a pas eu cette chance.  

Que signifie l’engagement syndical pour vous ? 

A.R. : L’engagement syndical, c’est le fil rouge de tout mon parcours. C’est d’abord un héritage familial que j’ai reçu très tôt, mon père étant lui-même très engagé. C’est une valeur cardinale qui me définit. C’est l’esprit de solidarité, l’esprit d’équipe, le sens du collectif. Je me suis engagé dès 2005 dans le syndicalisme. Mon engagement a d’abord été au niveau local, au sein de la fédération de Seine-et-Marne comme secrétaire général puis président, pour défendre un métier que j’aime, qui me passionne et dans lequel je crois profondément. 

En votre qualité d’ancien premier vice-président de la FNSEA, vous êtes-vous préparé à cette fonction ?  

A.R. : Je suis devenu administrateur de la FNSEA en 2014. Il existe tout un processus de maturation, assez long, pour comprendre notamment les enjeux de production et de territoires : c’est ce qui permet de dialoguer et d’aboutir à un consensus qui engage. Plus encore lorsque l’on défend un syndicalisme à vocation économique. Cet apprentissage au sein de plusieurs instances est nécessaire pour grandir au sein d’une organisation comme la FNSEA.  

Le passage de témoin entre Christiane Lambert et moi-même s’est fait dès le mois de février : elle m’a associé à sa fonction, aux prises de décisions, aux rendez-vous de premier plan comme celui avec le président de la République avant le Salon de l’agriculture et aux rendez-vous réguliers avec le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. 

 

 "Oui, il est possible de concilier production et transition agroécologique ! Ce chemin de cohérence et d’exigence existe, j’en suis convaincu."

 

Vous évoquez la notion de production. Ne craignez-vous pas que vos actions alimentent encore la vision d’une FNSEA « productiviste » ?  

A.R. : Ne nous trompons pas sur les termes. « Production » et « productivisme » sont deux concepts bien distincts. Préserver et développer nos capacités de production est essentiel pour l’agriculture française et européenne. Malgré les nombreuses alertes que la FNSEA et d’autres organisations comme le Copa ont lancées, nous sommes devenus de plus en dépendants des pays tiers. En France, la moitié des poulets que nous mangeons est importée, nous dépendons des pays européens et des pays tiers pour une grande partie de nos fruits et légumes. Notre production et notre filière sucrières sont mises à mal en raison de décisions politiques qui se sont révélées incohérentes, en créant d’importantes distorsions de concurrence. Oui, il est possible de concilier production et transition agroécologique ! Ce chemin de cohérence et d’exigence existe, j’en suis convaincu. Nous le portons à la FNSEA, avec la conviction que ce n’est pas dans la décroissance que nous gagnerons notre salut économique, social et environnemental.  

Les fonctions que vous cumulez (présidence du Groupe Avril, présidence de la Fop, maire...) constituent-elles selon vous un frein ou un atout ?  

 A.R. : Mes fonctions chez Avril sont indissociables de mon engagement syndical et de ma vision d’un syndicalisme à vocation économique. C’est bien parce que je suis agriculteur et administrateur de la Fop que je siège chez Avril en tant que représentant de l’actionnariat agricole. Ces fonctions sont pleinement complémentaires et constituent même un atout au service de notre projet. Mon mandat me permet d’être en prise directe avec les réalités du terrain sur toute la chaine de valeur, du champ à l’assiette. Je précise que la fonction de président du conseil d’administration d’Avril est un mandat non opérationnel. 

Ne craignez-vous pas de passer pour le représentant des agro-industries, au détriment de l’image traditionnelle de l’exploitation familiale en polyculture-élevage ?  

A.R. : On ne devient pas président de la FNSEA avec des craintes, mais avec un projet et une vision. D’abord, je suis agriculteur, et c’est à ce titre que j’ai été élu président de la FNSEA. Je suis installé depuis 2002 sur la ferme familiale de 339 hectares, exploitée en grandes cultures depuis cinq générations, et reprise de mes parents. J’y ai développé les légumes de plein champ et l’irrigation. Avec ma femme, elle aussi agricultrice exploitante, et quatre salariés, nous valorisons près de 700 hectares de cultures en Ile-de-France. Je suis fier et reconnaissant envers nos familles de la réussite de nos fermes. N’ayons pas honte d’entreprendre !  

Ensuite, je rappelle qu’au sein de la FNSEA, les décisions sont prises de façon collective : seul le conseil d’administration est souverain. C’est lui qui détermine les orientations à prendre, en tenant compte des hommes, des productions, des territoires. La FNSEA rassemble une très grande variété de productions, de tailles et de types d’exploitations. C’est cette diversité même qui fait toute sa force. La force de la FNSEA, c’est d’être un tout.  

Face aux politiques français et européens, quel président serez-vous ?  

 A.R. : Avec les représentants du monde politique comme avec les pouvoirs publics, je serai un interlocuteur responsable et exigeant. En tant que corps intermédiaire, nous devons savoir garder nos distances, c’est la garantie de notre indépendance. Et il nous faut savoir instaurer un rapport de force avec celles et ceux qui nous gouvernent à Paris et à Bruxelles. Les belles paroles restent trop souvent lettre morte : je m’attacherai à ce qu’elles se traduisent en actes, car c’est d’actes dont les agricultrices et agriculteurs ont besoin aujourd’hui !   

 

"Notre premier défi est celui du revenu, que nous devons garantir à chaque agriculteur pour assurer la pérennité de nos métiers et donc de notre agriculture."

 

Les dossiers se bousculent actuellement. Quels sont vos chantiers à court moyen et long terme ? Quelle est votre ambition générale ?  

A.R. : A court terme, les sujets les plus préoccupants et sur lesquels je souhaite avancer rapidement sont la mise en œuvre de la nouvelle Pac, la directive « émissions industrielles » (IED), les accords commerciaux internationaux, et notamment Mercosur. C’est aussi la préservation de nos moyens de production, notamment l’accès aux phytosanitaires, le stockage de l’eau. N’oublions pas la stratégie nationale bas carbone avec ses conséquences pour la pérennité de l’activité de nos éleveurs et de l’élevage français.  

A moyen terme, la FNSEA devra se pencher sur la préparation du cadre européen pour 2024, avec en ligne de mire les élections européennes en 2024. Il nous faut conserver des relais d’influence au Parlement européen pour infléchir les politiques européennes : elles sont parfois mal ficelées et surtout incomprises par nos agriculteurs. A plus long terme, il nous faut soutenir la souveraineté agricole française et européenne, et donc aborder les enjeux de souveraineté alimentaire et énergétique. Il y a urgence à accélérer notre travail sur le renouvellement des générations.  

Enfin, il nous faut écrire un nouveau pacte avec la société française pour ancrer la compréhension de la nécessaire cohérence entre trajectoire agricole et attentes alimentaires, environnementales, économiques de nos concitoyens... et inscrire l’agriculture comme solution aux défis actuels. Trop de lieux communs persistent sur notre métier, il est grand temps de redonner tout son sens à notre identité agricole ! 

Parmi tous ces chantiers quelle est votre priorité ?  

A.R. : Notre premier défi est celui du revenu, que nous devons garantir à chaque agriculteur pour assurer la pérennité de nos métiers et donc de notre agriculture. Comment, sinon, attirer des jeunes et des nouveaux profils pour prendre la relève de nos 166 000 collègues qui partiront à la retraite d’ici dix ans ?  

Le renouvellement des générations est une question cruciale. Préparer l’avenir, c’est aussi travailler à celui de notre syndicat, en veillant à l’émergence de nouveaux visages, avec, notamment plus d’élues dans notre réseau, à l’image de la féminisation de nos métiers. 

 

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