Agriculture et société : un « new deal » est-il possible ?
Fin novembre 2017, l’association Sol et civilisation avait réuni à Paris des invités de marque pour débattre des pistes de réconciliation entre agriculture et société.
L’association Sol et civilisation est un think-tank né au début des années 90 à l’initiative de Raymond Lacombe, ancien président de la FNSEA et de quelques proches. C’est aujourd’hui un lieu de rencontre, de réflexion et d’intervention sur les questions du développement durable des territoires.
Fin novembre, Sol et civilisation a organisé une conférence à Paris sur les pistes de réconciliation entre agriculture et société.
Dès la première table ronde de cet évènement a été posé le constat d’une tension croissante, de citoyens qui souhaitent se réapproprier la question agricole. Du point de vue de Bernard Chevassus-au-Louis, scientifique et président d’Humanité et Biodiversité, cet intérêt constitue une force car « rien n’est pire que l’indifférence ». La disymétrie de la perception de la complexité (exemple de la haie et de l’espace cultivé pour un écologue ou un agriculteur) est source de dialogues décalés.
Selon Catherine Larrère, philosophe : « On parle trop de technique et d’économique et pas assez d’environnement et de santé pour défendre l’agriculture ».
Quant à Sébastien Abis, chercheur associé Iris et directeur du club Demeter, il a rappelé la variabilité des systèmes de représentation de notre alimentation entre insécurité / insuffisance pour les uns, et confort pour d’autres. L’augmentation des exigences en qualité et quantité ont amené à une diversification et une hyper-personnalisation de l’offre. Le développement durable doit être pour lui une direction et non une idéologie pour faire mieux demain. Une combinaison de réponses doit ainsi être mise en œuvre entre commerce hexagonal et extérieur et initiatives de développement local.
A suivi une série de témoignages : Robert Boitelle, agriculteur aux portes de la Champagne, s’investit pour partager son métier avec un nombre croissant d’acteurs. Mais les exploitants sont trop souvent montrés du doigt et il regrette que le public se trompe de cible. Elaborer un nouveau pacte de confiance oui, mais il devra être stable dans le temps pour assurer la pérennité des exploitations.
Carole Hermon, universitaire et juriste en droit de l’environnement, souligne les progrès en matière de simplification administrative avec, depuis dix ans, un relèvement continu des seuils d’autorisation qui a abouti à la déclaration unique en 2017 sous une seule autorité (celle du préfet). Selon elle, les services éco-systémiques sont l’opportunité de redessiner une nouvelle relation Homme-Nature.
Quant à Xavier Laureau, co-fondateur des fermes de Gally, il appelle à dédiaboliser le hors sol qui limite la consommation d’eau et d’intrants, et à se reposer sur les territoires agris-urbains pour réassocier les élus et leaders d’opinion en priorité à la cause agricole, réinstaurer du dialogue et combattre les idées reçues.
En conclusion de cette soirée, Emmanuelle Brisse, ancien directeur de la communication de Greenpeace, a appelé au dialogue porté par les filières comme l’en atteste une expérience récente menée par Interbev, pour co-construire avec les ONG et associations des solutions partagées. C
hristophe David, directeur de l’école Isara de Lyon, a clamé l’importance de l’accueil de stagiaires pour montrer la diversité des systèmes de production français, modernes et innovants, et ainsi casser l’image traditionnelle des jeunes étudiants.
Pour Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, l’agriculture sera « verte et tech ». Elle regrette des débats trop souvent centrés sur les modes de production et trop peu sur les acteurs des filières d’aval, mais garde espoir avec la mobilisation de pas moins de onze ministères dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation. La gravité de la situation économique appelle en effet à un sursaut. La politique déflationniste des GMS (Grandes et moyennes surfaces) est allée selon elle au bout de la perte de valeur dont les agriculteurs sont victimes.
Enfin, Philippe Vasseur, fondateur du Forum mondial de l’économie responsable et ancien ministre de l’Agriculture, a assuré combattre au quotidien l’idéologie du « c’était mieux avant » (dont il cite l’ouvrage éponyme de Michel Serres) en se référant notamment à un fleuron de la gastronomie française, le camembert au lait cru, une tradition que la modernité aura permis de faire perdurer, dans le respect du progrès des normes sanitaires.
E. Simon (CAIF)