550 participants au congrès du maïs à Mulhouse mais sans le ministre
Le congrès du maïs s’est tenu les 21 et 22 novembre à Mulhouse et a accueilli plus de 550 participants. Agriculteurs venus de toute la France, semenciers, agrochimistes, distributeurs, ont pu participer aux différentes assemblées. Sébastien Mery, administrateur de l’AGPM dans le Loiret, y a assisté et nous raconte.
Irrigants de France mobilisé sur le stockage de l’eau
L’assemblée d’Irrigants de France a ouvert le congrès et le président Éric Frétillère est revenu sur une année très dense en matière de réflexions politiques sur la gestion de l’eau : mission parlementaire, cellule d’expertise conduite par le préfet Bisch, assises de l’eau. De façon générale le président a dénoncé la faible ambition de la politique de stockage dans notre pays bénéficiant pourtant d’une forte disponibilité en eau mais la stockant moins que nos voisins aux climats plus méditerranéens. La table ronde La gestion de l’eau du territoire à l’Union européenne, a permis de partager la vision de divers acteurs de l’irrigation : Laurent Roy, directeur de l’agence de l’eau Rhin-Meuse, des représentants des agriculteurs allemands et le député Adrien Morenas, président de la mission parlementaire sur l’eau. Ce dernier a exprimé la nécessité de s’adapter aux besoins et possibilités locales et rappelé sa proposition visant à instaurer des zones géographiques « stratégiques » dans lesquelles tout projet validé par l’administration deviendrait inattaquable. Enfin, le député européen Michel Dantin a reconnu l’importance d’intégrer la gestion de l’eau dans les discussions de la Pac même si cela s’annonce compliqué avec des situations différentes au nord et au sud.
Diversité et durabilité des territoires maïs
L’Assemblée générale des producteurs de maïs était le rendez-vous phare du congrès. La table ronde a prouvé l’attachement de l’AGPM à l’aspect territorial du maïs aux niveaux économique, environnemental et sociétal. Thierry Roquefeuil, président du Cniel, a affirmé le rôle fondamental du maïs dans la filière lait. Outre ses qualités nutritionnelles, François Cholat, président du Snia, a souligné l’implication de la filière maïs dans la démarche Duralim visant à promouvoir la durabilité de l’alimentation animale en France. Jean-Paul Lataste, président AGPM maïs doux, nous a sensibilisés au rôle de la filière maïs doux : une production exemplaire au cœur du sud-ouest et Jean-Michel Habig, président de la Cac et porte-parole de tous les OS maïs alsaciens, a souligné les forces de la maïsiculture régionale. Franck Laborde, secrétaire général de l’AGPM, a porté l’ambition du maïs en matière de bioénergie et de biogaz :
un secteur porteur et un outil pour contribuer à lutter contre le réchauffement climatique, à condition de débloquer plusieurs verrous. Patrick Bastian, responsable agriculture et forêt du Conseil régional, a conclu la table ronde, rappelant son attachement à la filière maïs alsacienne mais également les attentes sociétales. Sylvie Brunel, quant à elle, a souligné la réalité du maïs dans tous les territoires du monde.
Occupé à défendre son budget, le ministre de l’Agriculture n’a pas fait le déplacement et est intervenu dans une courte vidéo. Outre une timide ouverture sur le stockage de l’eau et sur la baisse des charges (TO-DE), Didier Guillaume n’a pas répondu aux préoccupations de la filière (néonicotinoïdes, assurances, nouvelles techniques de sélection, produire davantage en France pour enrayer la hausse des importations de maïs européennes).
Pourtant ces préoccupations sont partagées par la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui a souligné la complémentarité maïs et productions animales et rappelé l’implication de la FNSEA dans le contrat de solutions témoignant de la bonne volonté des agriculteurs à répondre à la commande politique mais pas n’importe comment et à n’importe quel prix mais au contraire avec du temps et des mesures d’accompagnement dont l’assurance, l’accès à l’eau et aux biotechnologies font partie. Le président de l’AGPM, Daniel Peyraube a dénoncé la situation de la production maïsicole européenne avec la hausse des importations (en provenance d’Ukraine et du Brésil) et la baisse de la production française et européenne.
« On ne peut nous interdire un modèle de production et en même temps l’importer ! Je ne peux me résoudre à cette fatalité. Notre plante est magnifique, elle a de nombreuses qualités, il faut le faire savoir » a-t-il déclaré.
Maïs semence : revenu au centre des débats
L’assemblée générale AGPM maïs semence le 21 novembre et celle de l’interprofession FNPSMS, le lendemain, ont souligné les difficultés économiques qui concernent à la fois les producteurs de semences, impactés par la hausse des charges de production et une valorisation qui manque d’attractivité et les entreprises, subissant elles aussi des charges franco-françaises.
Géopolitique de la sécurité alimentaire : myopie européenne ?
Tel était le thème de la conférence de clôture du congrès du maïs et présentée par Sébastien Abis, directeur du club Demeter et chercheur à l’Iris. Sans nier les difficultés du monde actuel (recul de la démocratie, rivalités géopolitiques, urgences climatiques), Sébastien Abis a rappelé la réduction drastique de la pauvreté et l’augmentation de l’espérance de vie. Partant du constat de l’évolution de la population mondiale estimée à quelques dix milliards de personnes en 2050, avec des surfaces cultivées en très faible augmentation, la demande alimentaire va augmenter de 50 % , tirée par une classe moyenne de plus en plus nombreuse et se déplaçant de l’Occident (continent américain et européen) à l’Orient (continents africain et asiatique). Fortes de ces projections, de grandes puissances mondiales s’organisent pour répondre au défi alimentaire, à l’image de la Chine et de grands acteurs de la communication et du commerce (Amazone, Google, Apple et autres Gafa) qui investissent les champs de l’alimentation et de la santé. L’innovation s’accélère et reste au centre des enjeux : on ne fera pas sans. En attendant, toutes les agricultures sont indispensables. Partant de cette analyse, les orientations européennes et françaises sont bel et bien à côté de la plaque : mollesse de la défense des intérêts souverains, manque de priorité stratégique, déconstruction européenne alors que l’Europe de la paix s’est construite avec la Pac !
Il est urgent de voir plus long, plus loin et plus large pour l’agriculture et en particulier pour la maïsiculture française, encore dotée d’un riche savoir-faire et de marchés à ses pieds qu’il est urgent de conquérir.