Gibier
« Sauvons l’élevage de gibier français »
Éric Poullain, président interrégional des producteurs de gibier de chasse (Île-de-France ouest, Seine-et-Marne et Picardie), section FDSEA « gibiers à plumes », et administrateur du Syndicat national des producteurs de gibier de chasse (SNPGC), et Jacques Geneste, également administrateur du SNPGC, s'insurgent contre le traitement actuellement réservé à la filière.
Éric Poullain, président interrégional des producteurs de gibier de chasse (Île-de-France ouest, Seine-et-Marne et Picardie), section FDSEA « gibiers à plumes », et administrateur du Syndicat national des producteurs de gibier de chasse (SNPGC), et Jacques Geneste, également administrateur du SNPGC, s'insurgent contre le traitement actuellement réservé à la filière.
« À l’heure où nous rédigeons ces quelques lignes, nous ne savons pas encore si la chasse aux petits gibiers profitera d'une possible dérogation pour rouvrir dans les prochains jours… Malgré tout, cette période ne nous interdit pas de dénoncer la décision qui a consisté à fermer administrativement la chasse aux petits gibiers en ce mois de novembre.
Dénoncer, aussi, le piège politique tendu par le ministère de la Transition écologique en créant une chasse à deux vitesses : la chasse de loisir et la chasse de régulation. Diviser pour mieux régner, nos détracteurs ont réussi.
En créant la notion de ''chasse loisir'' et son interdiction, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la Biodiversité, ont, d’un revers de la main, mis sous cloche toutes les chasses aux petits gibiers ainsi que tous ses intervenants économiques.
L’application de cette décision est profondément choquante et injuste, à l’image des consignes absurdes que l’on retrouve dans les différents arrêtés de régulation sortis au cours de ce mois de novembre. Toutes ces décisions mettent en avant le développement continu dans notre société d’un discours favorable à une écologie bobo-écolo, punitive, pas très démocratique, avec pour seul objectif, celui de dire non.
En s’attaquant à la chasse loisir, et donc à la chasse aux petits gibiers, nos opposants savaient très bien ce qu’ils faisaient : ils s’attaquent à un pilier de la chasse, seule alternative au gros gibier pour conserver une chasse populaire en France, profondément ancrée dans la ruralité. Un acquis de la Révolution française !
En divisant la chasse en deux, l’écologie punitive veut priver la chasse d’une partie de ses acteurs économiques pour la réduire à une portion congrue.
Parmi les protagonistes de la chasse aux petits gibiers de plaine, il y a une profession incontournable de cette activité qui a été particulièrement visée : celle des éleveurs de gibiers. Stigmatisés par certains, estimés par d’autres, mais dans tous les cas de figure, et qu’on le veuille ou non, ce sont des acteurs économiques majeurs de la chasse aux petits gibiers sédentaires de plaine, aussi bien en France qu’en Europe.
La France a une production qui s’exporte aux quatre coins de l’Europe. Un oiseau sur deux chassés en Europe est produit sous forme d’œuf en France. C’est une filière d’excellence.
Sans l’élevage de gibier, perdrix, faisans, colverts auraient vraisemblablement disparus depuis longtemps de nos paysages. Aujourd’hui, l’élevage de gibier à plumes participe au renforcement des populations de petits gibiers. Nombre de territoires ont pu reconstituer des populations de gibier naturel par des réintroductions d’oiseaux d’élevage. Sans lui, il n’y aurait plus de chasse en plaine en de nombreux endroits. Les éleveurs de gibiers sont un maillon essentiel des territoires ! Emploi, hébergement, repas, location de chasse, vie associative… découlent de leur activité.
Par ailleurs, en s’attaquant aux élevages de gibiers, l’écologie punitive s’attaque tout simplement à la diversité de l’agriculture française ! L’activité d’un éleveur de gibier se joue en neuf mois, de mai à janvier. En fermant la chasse au mois de novembre, les éleveurs de gibiers se sont retrouvés du jour au lendemain sans pouvoir écouler leurs oiseaux… Le mois de novembre représente en général 40 % des ventes de gibiers d’une saison. Décembre et janvier ne suffiront pas à absorber les volumes qu'il était prévu de vendre au mois de novembre.
Il faut dès maintenant prévoir des dérogations pour que la chasse aux petits gibiers reprenne le plus vite possible.
Par ailleurs, en concertation avec les représentants de l’État dans les départements et les Fédérations départementales de chasseurs, il faut engager des discussions pour rallonger les périodes de chasse au mois de février. Cette période de fermeture a engendré des problèmes de trésorerie et des coûts supplémentaires liés à l’allongement du cycle d’élevage (alimentation, main-d’œuvre…) qui ne pourront pas être répercutés sur les prix de vente. Il faut que l’État mette en place des aides économiques d’urgence pour la filière.
Enfin, il faut savoir qu’il n’existe pas de filière spécifique viande pour l’élevage de gibier à plumes et que les outils d’abattage de volailles ne sont pas adaptés à ces oiseaux. Il est donc impossible de valoriser nos oiseaux en filière viande. C’est pourquoi l’État doit envisager le scénario catastrophe au cas où nous n’arriverions pas à écouler l’ensemble de notre production d’ici la fin de saison…
D’autre part, en cette période à risque élevé d'influenza aviaire, nous sommes très inquiets car les élevages sont surchargés et on augmente ainsi les risques de transmission du virus.
Arrêtons le gâchis ! Il faut que chaque décideur fasse preuve de discernement pour prendre les bonnes décisions dans les jours à venir. C’est une question de vie ou de mort de l’élevage de gibier en France.
Malheureusement, on peut d’ores et déjà penser que les éleveurs de gibiers seront durablement et irrémédiablement impactés par cette crise, et à travers eux, la chasse dans son ensemble.
Parmi ces décideurs, certains seront peut-être tentés, en pensant faire le bien, de donner le coup de grâce à cette profession ! C’est alors qu’ils détruiront une économie et un savoir-faire qu’il sera impossible de retrouver. Et pour autant, la nature s’en portera-t-elle mieux ?
Et n’oublions pas que derrière chaque élevage de gibier, il y a des hommes et des femmes, des familles entières qui ne demandent rien d’autre que de continuer à vivre de leur métier.
N’ayons pas honte, la chasse ne doit pas être seulement une chasse de régulation de gros gibiers.
Nous comptons sur vous. »