Roméo, l’anti-héros romantique
À la Comédie française, Eric Ruf met en scène un Roméo et Juliette qui se débarrasse de son propre mythe pour retrouver l’essentiel.
Roméo et Juliette, de William Shakespeare, n’avait pas été joué à la Comédie française depuis 1954, alors que le rôle de l’institution est d’exposer les pièces légendaires.
Le nouvel administrateur général de la Comédie française, Eric Ruf, explique cette curiosité par le poids que le mythe fait porter sur le texte, le faisant tourner en boucle.
Il a réussi à casser cette autarcie en le faisant revenir à l’essentiel : raconter une histoire. Regardons Roméo, par exemple. Ici, il n’est pas un symbole de luttes ancestrales, un chef de bande (comme dans West side story) ou un héros romantique (comme toujours).
Même physiquement : l’acteur choisi, l’excellent Jérémy Lopez, est petit, trentenaire, avec les tempes qui poussent. On n’est pas avec un bellâtre en pamoison qui tue par accident.
Non, Roméo revient à ce qu’il est littéralement : un homme violent et amoureux.
L’Italie aussi. On est à Vérone, bien sûr, mais pas dans les palais. Sur scène, les décors dessinent une Italie pauvre, entre deux guerres, avec des murs décrépis et des chansons populaires. Le balcon est bien loin de l’attrape-touriste qu’on nous fait photographier en Vénétie.
Là encore, on retrouve une neutralité visuelle pour réentendre l’histoire.
À la fin, on ressort de représentation avec le sentiment d’une parfaite réussite. On oublie la parfaite maîtrise des acteurs, des techniciens et du metteur en scène.
De ces réussites où on domine son sujet plutôt que de se faire écraser par le mythe.