Syndicalisme
« Offrir aux agriculteurs franciliens les moyens d’être résilients face aux défis qui les attendent »
Le président de la FDSEA 77, Cyrille Milard, fait le point sur la situation agricole actuelle et les avancées obtenues grâce au syndicalisme majoritaire.
Le président de la FDSEA 77, Cyrille Milard, fait le point sur la situation agricole actuelle et les avancées obtenues grâce au syndicalisme majoritaire.
Horizons : Les cultures ont été malmenées tout au long de la campagne 2019-2020. Après des conditions automnales et hivernales humides, la sécheresse a sévi. À cela se sont ajoutés des vols permanents de pucerons qui ont engendré de la virose, essentiellement sur betterave et orge. Dans ce contexte cultural difficile, la FDSEA 77, aux côtés des JA, a tout fait pour amortir la chute de revenu des exploitants agricoles. À quoi ont abouti vos différentes démarches ?
Cyrille Milard : En effet, très tôt nous avons alerté l’administration et le ministère sur l’état sanitaire des betteraves. Les visites se sont succédé (préfet, ministre, élus...). Parallèlement, nos cultures ont souffert d’un printemps sec et la moisson s’est révélée très décevante par endroits. Il était clair qu’un certain nombre d’agriculteurs seraient en difficulté en cette fin d’année.
Comme en 2016, nous avons réactivé nos dispositifs de crise : prise en charge de cotisations MSA, décalage d’échéances bancaires, dégrèvement généralisé de la TFNB(1) de 30 %. Nos partenaires ont répondu présent, à l’image du conseil départemental avec une aide spécifique pour les JA, ainsi que le conseil régional avec le déblocage d’une aide de deux millions d’euros orientée vers les exploitations en grandes difficultés.
Enfin, nous travaillons activement à construire une indemnisation à la hauteur des pertes de betteraves. L’État doit assumer ses décisions politiques. Notre action, je l’espère, permettra d’amortir les difficultés financières de nos entreprises.
L’instauration du confinement a mis un coup d’arrêt à la chasse, faisant craindre une explosion des dégâts de gibier dans les parcelles agricoles. À ce jour, des tirs de régulation des nuisibles ont été autorisés. Quel a été le rôle de la FDSEA 77 et quels sont ses objectifs ?
La régulation des populations de nuisibles est une priorité dans ce contexte d’augmentation des dégâts aux cultures. Aux côtés de la FDC 77(2), nous avons œuvré pour que la chasse puisse reprendre pendant le confinement. Une écoute attentive de l’administration a permis d’obtenir le tir des sangliers, mais aussi de se protéger contre les pigeons, corbeaux et autres nuisibles en cette période de semis. Chacun doit redoubler d’efforts pour atténuer les dégâts aux cultures : les liens chasseurs et agriculteurs doivent nous permettre de sortir gagnants de cette problématique sensible.
Une nouvelle réforme de la Pac doit se mettre en place en 2022. Où en est-on des négociations ?
Le budget étant sécurisé, l’orientation de la nouvelle Pac est en débat. Il nous reste que quelques mois pour caler les arbitrages français qui serviront aux négociations entre États membres pour une application d’ici 2023. Notre objectif est de limiter au maximum les distorsions de concurrence que pourrait amener ce règlement. Il nous faut limiter le transfert du premier pilier vers le second, limiter la conditionnalité et éviter un pseudo-rééquilibrage des aides en notre défaveur.
La part de verdissement, aux yeux des parlementaires européens, reste centrale pour répondre aux objectifs de cette nouvelle Pac, charge à nous de proposer un écoschème intelligent et adapté à notre modèle. Nous resterons vigilants pour que l’innovation et la gestion des risques offrent aux agriculteurs franciliens les moyens d’être résilients face aux défis qui nous attendent.
Outre les mesures de compensation des pertes financières abordées précédemment, le syndicalisme a travaillé sur le maintien des outils de production ainsi que sur la valorisation du « manger français » et de ses produits de qualité. Quels espoirs peut-on en tirer pour 2021 ?
Notre combat syndical est aussi de préserver nos moyens de production. « Pas d’interdiction sans solution » alimente le feuilleton environnemental depuis des mois sur deux sujets : néonicotinoïdes et glyphosate. Pour ce dernier, l’Anses(3) révèle enfin qu’il n’y a pas d’alternative pour un certain nombre d’utilisations, laissant entrevoir un sursis pour ce produit injustement décrié. Et face au cataclysme qui s’abat sur notre filière d’excellence betteravière, l’État fait marche arrière, revenant sur la loi adoptée au Parlement.
Malgré l’attaque de nombreuses ONG(4) militantes auprès du conseil constitutionnel, nous avons bon espoir de rétablir l’autorisation des néonicotinoïdes en enrobage de semences de betteraves pour ce printemps. Ce sera la victoire du collectif, du syndicalisme FDSEA/JA/CGB(5) face à l’obscurantisme écologique.
Enfin, face à cette crise sanitaire sans précédent, chacun aura pu constater que l’agriculture n’a cessé de travailler pour nourrir les Français. À cette pandémie s’ajoute une crise économique. Pour autant, notre souveraineté alimentaire est devenue une priorité politique. Les habitudes alimentaires ont évolué depuis les confinements avec la consommation de produits de proximité.Manger français a la cote. Les Français comptent sur notre agriculture, la réciprocité nourrira nos espoirs, j’en suis sûr.
(1)Taxe sur le foncier non-bâti.
(2)Fédération départementale des chasseurs.
(3)Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
(4)Organisations non gouvernementales.
(5)Confédération générale des planteurs de betteraves.