Retraités
Martine Huger, une femme engagée
La présidente des anciens exploitants s’explique sur le sens de son engagement syndical et sur le rôle des femmes dans l’agriculture.
Pour Martine Huger, présidente de la section départementale des anciens exploitants de la FDSEA du Loiret, le syndicalisme est une vocation. « J’ai toujours été sensible à l’engagement des femmes : il y a trente ou quarante ans, ce n’était pas toujours facile. Je suis de culture chrétienne : pour moi, le mutualisme et la solidarité sont des concepts fondamentaux. J’ai bénéficié de la solidarité lorsque j’ai été dans la difficulté. »
Notre interlocutrice a toujours défendu une agriculture à visage humain : « L’homme, au sens universel du terme, est responsable de son entreprise. » Une approche que l’intéressée a concrétisé à travers ses différents engagements, qu’ils soient agricoles ou non : quand ses trois enfants étaient scolarisés, elle a été membre de l’association des parents d’élèves.
« En 1945, les femmes acquièrent le droit de vote. Avant 1965, elles ne pouvaient pas ouvrir un compte bancaire ou contracter un emprunt sans l’autorisation de leur mari. À cette époque-là, les femmes étaient affectées aux tâches domestiques mais elles avaient une autorité morale : elles assuraient le lien social du foyer. Pour que l’entreprise réussisse, il fallait que la femme soit un pivot (…) À chaque fois qu’une personne est nommée à une place, c’est que cela correspond à ce que les gens attendent : il n’y a pas de hasard dans la représentativité des personnes. »
À travers ses différents engagements, l’intéressée a appris l’écoute et l’échange : « Tout le monde possède une richesse intérieure qui transparaît lorsqu’on sait écouter les gens. Je suis optimiste sur la nature humaine. » Selon la responsable, l’agriculture aurait pour corolaire le modernisme : « Nous appartenons à une catégorie socioprofessionnelle qui, à travers le syndicalisme, la coopération et la vulgarisation, a su s’approprier les différents outils et faire de l’agriculture française la première en Europe et une agriculture à visage humain. »
En 2013, cette approche est-elle toujours valable ? Visiblement, oui : « Le monde agricole s’adapte et s’adaptera toujours. Étant au contact du vivant, nous possédons des racines grâce auxquelles nous sommes capables de nous approprier la modernité. Il n’y aura pas de rupture dans l’agriculture même si les agriculteurs s’expriment lorsqu’ils ne sont pas contents. »
Plus économes et plus responsables
Martine Huger a traversé des épreuves. « La vie peut tellement basculer d’un jour à l’autre qu’il faut rester humble. » À 48 ans, l’intéressée a passé un BTS analyse et conduite de systèmes d’exploitation. « J’avais arrêté l’école à 14 ans et je rêvais de poursuivre mes études. Quand vous retournez à l’école à 48 ans, vous possédez des connaissances empiriques qui, là, s’expliquent scientifiquement. Avoir passé ce diplôme représenta une fierté et un graal pour trouver du travail. »
Pendant quatorze ans, notre interlocutrice a œuvré comme chargée de mission à la FRSEA du Centre : elle a travaillé pour les interprofessions laitières bovine et caprine. « J’ai appris à travailler en équipe et à mettre mon égo de côté. Nos responsables étaient respectueux du personnel administratif. J’ai suivi pas mal de formations : prise de parole en public, animation de réunion, etc. » Puis l’intéressée a travaillé avec son mari sur l’exploitation.
L’engagement des femmes ? Il faut remonter à 1945 et à la Jac, la Jeunesse agricole chrétienne. Le mouvement avait pour slogan « Sois fière paysanne ! » « Ce slogan a semé les gènes de l’émancipation des femmes en milieu rural. En 1960, elles se sont mises à valoriser les produits de la basse-cour et à faire des marchés de proximité : la valeur ajoutée générée a permis d’améliorer l’habitat et l’éducation des enfants. Les femmes agricoles ont compris tout de suite que la promotion sociale passait par l’école, surtout pour ceux qui ne restaient pas sur l’exploitation. Le monde agricole, par le surplus de ses enfants, a généré des instituteurs, des infirmières, des assistantes sociales, etc. Et ceux-ci ont transmis les valeurs du monde rural là où ils travaillaient. » Une source aujourd’hui tarie.
« On a plus de commerciaux et d’ingénieurs agronomes : le monde a changé et l’humanisme y a perdu. » Face aux grandes crises économiques, sociales et environnementales, le phénomène est-il irrémédiable ? « Nos valeurs, qui reposent sur l’humanisme, nous obligeront à être plus économes de tout et plus responsables. » Par exemple : utiliser moins d’engrais ou de produits phytosanitaires. « Mais sans tomber dans le radicalisme ! »
Une liberté d’action
« Les femmes ont mis quarante ans pour avoir leur statut d’exploitante : ce fut un long combat. » Et ce n’est que depuis 1995 qu’on trouve des femmes aux responsabilités nationales. Exemple emblématique : Christiane Lambert qui, avant de devenir Première vice-présidente de la FNSEA, fut, entre 1994 et 1998, présidente du Centre national des Jeunes Agriculteurs.
Quid des retraites ? « Ce fut un long combat pour la FNSEA. Ce n’est qu’en 1955 que nous avons eu une retraite universelle. Nous sommes des non-salariés agricoles. Nous sommes des entrepreneurs avec une liberté d’action : nous avons créé un système de retraite mutualiste et solidaire. Cela nous vaut aujourd’hui de petites retraites mais a permis à des agriculteurs qui avaient de faibles revenus de toucher une pension, même modeste : nous pouvons en être fiers. Cependant, aujourd’hui, le montent des retraites est modeste car, à l’échelle nationale, les revenus des agriculteurs sont faibles. »
La dirigeante syndicale poursuit : « Les femmes, en raison de l’absence dans le passé d’un statut reconnu et, étant des ayants droit, ont des retraites dérisoires. C’est pourquoi elles se sont battues pour avoir un vrai statut. » Outre les retraites, Martine Huger travaille sur la dépendance, le mutualisme, la santé, etc.