L’avare, une comédie tragique
En fin de tournée, la mise en scène de Ludovic Lagarde révèle la noirceur de la comédie de Molière.
Molière est tragique ! On veut dire par là que c’est un grand tragédien. C’est peut-être une erreur de vouloir en faire à tout prix un comique. C’est sans doute ce qu’il devait faire au XVIIe siècle pour s’assurer le succès. Désormais, c’est bon ; on peut passer à autre chose.
C’est ce que fait le metteur en scènce Ludovic Lagarde en terminant la tournée de L’Avare avec le théâtre qu’il dirige, La Comédie de Reims.
Certes, les quiproquos de la pièce sont toujours là. Mais, on sourit plutôt qu’on s’esclaffe. Parce que le personnage de Harpagon est un être seul.
Tout ceux qui tournent autour de lui sont des menaces pour son magot ou des moyens de faire croitre son trésor. A ses yeux, son entourage n’a qu’une valeur d’utilité. En fait, il n’a pas d’entourage. Sa cupidité et ses calculs l’isolent. A la fin de la pièce, il meurt seul, noyé dans son argent mais terriblement seul sur scène à tel point que le metteur en scène ne lui offre même pas l’occasion d’agoniser devant son public puisqu’il l’enferme dans son coffre comme un Picsou moribond.
C’est donc bien la tragédie de l’argent qui se joue avec ce texte.
On est surpris de sa pertinence au regard de l’actualité la plus brûlante. Ce texte vieux de 350 ans parle de la monomanie actuelle de l’argent et nous en montre l’issue cruelle : le vide.
Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’argent qui est le drame ; c’est qu’il ne circule pas. Cette pénurie fictive fait perdre la tête de toute la société. Voilà une réécriture du Veau d’or dont on se demande bien, après cette représentation, ce qu’il peut y avoir de risible, malgré le grotesque, chez un pingre qui crie partout Ma cassette ! Ma cassette !