L’assolement 2021 s’annonce comme un casse-tête
La pullulation de pucerons, en particulier sur betterave, met en lumière les conséquences des interdictions de produits quand aucune solution alternative efficace n’existe. Témoignage de Pascal Verrièle, agriculteur à Dormelles.

« Quand on enlève un outil, tout le système d’exploitation est remis en cause. On avait un système cohérent qui répondait au respect de l’environnement, alimentait les usines, offrait des produits de qualité à un coût abordable. Et on casse 30 ans d’effort », explique d’emblée Pascal Verrièle, exploitant agricole à Dormelles et secrétaire adjoint de la FDSEA 77, alors que les cultures sont menacées par le développement de viroses suite à pullulation de pucerons, et que les solutions efficaces comme l’enrobage des semences sont interdites.
Si pour les céréales, notamment d’hiver, d’autres leviers, comme des semis plus tardifs, peuvent être efficaces certaines années, la solution est ingérable en cas de forte pression maladie.
« De plus, cela nous oblige à passer avec le pulvérisateur avec des produits dont la rémanence est plus faible, encore faut-il avoir la possibilité de rentrer dans les parcelles. À l’automne dernier c’était impossible tant les sols étaient gorgés d’eau. Certains collègues ont dû retourner leurs parcelles d’orge et la remplacer par du tournesol », poursuit l’exploitant.
Quant à la betterave, aucune solution alternative n’existe. « La suppression des néonicotinoïdes coïncide avec le développement d’une population de pucerons jamais connue suite aux conditions météorologiques de ces derniers mois et nous sommes dans une impasse totale », note l’agriculteur, inquiet pour l’avenir de la filière, alors que l’interdiction des semences enrobées a été conjuguée à l’arrêt des quotas et l’absence de protection par assurances, les rendements moyens étant trop bas ces dernières années.
Si deux produits sont autorisés sous dérogation, le souci du positionnement se pose.
« Avant, l’enrobage assurait deux mois de protection sans conditions d’application. Ces deux passages engendrent des coûts alors que les cours du sucre sont bas. Bref, c’est la triple peine : pas de prix rémunérateurs, des rendements inquiétants vu les conditions de semis et un surcoût. De plus, les riverains nous voient en permanence dans les champs. Difficile d’expliquer que pour protéger l’environnement on passe plus de fois. Dans le même temps, le Brésil vient de réhomologuer 130 produits et certains pays européens octroient des dérogations ».
Et un nouveau problème vient de survenir : l’apparition du charançon. Quant aux altises, elles sont à surveiller.
« Il y a trois ans, je ne faisais aucun insecticide foliaire », souligne Pascal Verrièle qui doit faire face à des problèmes similaires dans toutes les cultures, que ce soit pour les insecticides ou les herbicides. Bien souvent, les produits autorisés sont plus chers et moins efficaces.
« On n’a jamais eu autant de chardon et autres mauvaises herbes comme l’ambroisie, certaines adventices ne pouvant plus être maitrisées. Je faisais du sans labour depuis quinze ans et un peu de semis direct. Je vais devoir à nouveau labourer au risque de dégrader la qualité des sols, sans compter l’investissement en matériel et en temps ».
Dans ce contexte, l’assolement 2021 s’annonce comme un véritable casse-tête.
Laurent Goudet-Dupuis