Syndicalisme.
« Il va falloir arrêter de faire n'importe quoi dans ce pays ! »
Le vendredi 16 mai, la FDSEA tenait son assemblée générale. Retour sur l'évènement à travers une série de réactions.
Le vendredi 16 mai, avait lieu l'assemblée générale de la FDSEA. La réunion se tenait à la salle polyvalente de Bellegarde. Un rendez-vous marqué par l'intervention de la géographe Sylvie Brunel et dont nous nous étions faits l'écho la semaine précédente. Nous avions également donné la parole à Jean Daudin, le président de l'organisation syndicale. Cette semaine, nous vous proposons de revenir sur l'événement : les propos qui sont rapportés ici émanent d'interventions ou de réactions recueillies sur le vif à l'issue des travaux.
Xavier Beulin, président de la FNSEA : Le principe de précaution est devenu un frein à tout ! (...) On ne peut pas parler de simplification sans supprimer certains corps d'État ou d'instances de contrôle : il y a des économies à faire. Dans tout gouvernement, il faudrait un quota de ministres issus du monde de l'entreprise car, souvent, les intéressés sont éloignés des réalités et cela nous pose problème. (...) Le pacte de responsabilité octroie sept cents millions d'euros à l'agriculture : ce n'est pas rien. Mais il faudra aller encore plus loin. (...) Dans le cadre des relations commerciales transatlantiques, la Commission européenne veut que les normes européennes et américaines se rapprochent. Dans la pratique, la référence deviendrait américaine et non européenne : nous ne pouvons pas accepter le démantèlement de ce qui fait la spécificité de l'agriculture européenne. (...) Si nous ne traitons pas la question énergétique à un haut niveau, nous serons sous la coupe du monde arabe pour le pétrole et de la Russie pour le gaz. D'ici quelques années, les États-Unis deviendront indépendants sur le plan énergétique : un enjeu en termes de compétitivité.
Michel Masson, président de la chambre d'agriculture : Je retiens de cette assemblée générale la très bonne intervention de Sylvie Brunel : je l'avais déjà entendue à plusieurs reprises lors de congrès nationaux. Elle pose les vrais problèmes. Sans idéologie. De façon mesurée. Dans notre pays, nous avons peu de gens qui mettent les problèmes à plat avec une belle ouverture d'esprit. Et en s'appuyant sur le monde tel qu'il est et non comme certains voudraient qu'il soit... À force de faire de l'idéologie et du dogmatisme dans un sens comme dans l'autre, nous sommes hors-jeu. La mission fondamentale de l'agriculture consiste à nourrir les habitants de la planète avec des aléas climatiques et des potentiels agronomiques très différents d'un endroit à l'autre. Un pays comme le nôtre a la chance d'avoir un climat tempéré, des agriculteurs performants et des sols relativement fertiles. De l'autre côté de la Méditerranée, des gens ne mangent pas à leur faim. Or nous condamnons des centaines d'hectares à la non-productivité. Conséquence : les habitants des pays du Sud ne comprennent pas et expriment leur colère. Nous faisons figure d'enfants gâtés. Il va falloir arrêter de faire n'importe quoi dans ce pays !
Éric Thirouin, président de la FRSEA : Soyons fiers de notre métier ! Au niveau régional, nous aurons besoin de nous investir car beaucoup de décisions se prennent à cet échelon, qu'il s'agisse de l'État ou du Conseil régional : la FRSEA a un rôle à jouer.
Philippe Galloo : Sylvie Brunel a un discours résolument positif. L'humanité aura de plus en plus besoin d'une agriculture forte et productive : c'est ce que nous avons envie de faire dans le département !
Jean-Louis Manceau : Sylvie Brunel nous a présenté les devoirs auxquels nous allions être exposés demain : nourrir la planète. Or cela sera compliqué car nous devrons nous arc-bouter face à nos détracteurs. Xavier Beulin nous a bien dit que la PAC, au niveau européen, c'était quelque chose de très simple mais qu'en France nous aimions bien nous mettre des couches supplémentaires pour enquiquiner le monde et peut-être pour que les agents administratifs s'occupent ! C'est assez lamentable la direction dans laquelle on veut nous emmener ! Je n'ai pas de mot !
Jean-Jacques Hautefeuille : Sylvie Brunel prend le contre-pied d'un certain nombre d'idées reçues. L'agriculture doit nourrir le monde et fournir de l'énergie renouvelable : l'amélioration génétique des plantes est un passage incontournable.
Cédric Benoist : Sylvie Brunel a remis la production au coeur de notre métier. Le bien-être environnemental et le bien-être animal passent après la production et non avant ! On nous annonce la fin apocalyptique de la Terre. Or l'intervenante nous a montré au contraire que les surfaces protégées augmentaient. Ne cédons pas au pessimisme ambiant concernant l'écologie !
Benoît Ferrière, président d'AgroPithiviers : Sylvie Brunel essaie d'analyser scientifiquement les choses.
Patrick Durand, président de la coopérative de Boisseaux : J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Sylvie Brunel. Ce n'était pas la première fois que je l'entendais. Je regrette qu'elle ne soit pas plus souvent confrontée à des contradicteurs sur les grands médias. « Aux joueurs de flûte » comme elle les a appelés ! Cela fait du bien d'entendre un discours allant au-delà des idées reçues et qui est répété à longueur de journée sur les antennes de télévision ou de radio. Sylvie Brunel ouvre bien le débat. C'est une géographe et elle a présidé Action contre la Faim : elle connait bien la problématique mondiale. Elle possède une vision d'ensemble qui est très intéressante. Elle ne refuse rien : ni le conventionnel ni le bio. Elle est favorable à l'innovation et aux nouvelles technologies. Cela va dans le sens dans lequel l'agriculture française doit aller. Malheureusement, ce n'est pas la direction que nous prenons. Quand, derrière, on entend Xavier Beulin parler de la dimension franco-française de la mise en oeuvre de la PAC... On accuse énormément Bruxelles mais c'est plus la déclinaison des directives européennes par les gouvernements français successifs qui pose des problèmes à l'agriculture : suradministration, contraintes de plus en plus fortes, etc. Par moment, on se demande si on ne nous emmène pas droit dans le mur !
Jean-Claude Prieur : Le monde agricole doit s'interroger sur ses charges de structures. Une analyse de son coût de revient doit être quelque chose de déterminant. Par exemple, soit sur le foncier soit sur les charges de matériel : éviter le suréquipement. En élevage comme en production céréalière. Très souvent, nous sommes conseillés en termes d'optimisation fiscale ou de diminution de nos charges sociales. Or acheter un matériel se traduira par un coût que nous supporterons durant plusieurs années. Sur le produit noble, notamment la viande, la situation économique est telle que, lorsqu'on augmente trop les prix de vente, la consommation baisse. Nos associations spécialisées prônent la revalorisation de nos produits nobles. Ainsi, la Fédération nationale porcine mène des actions dans les grandes surfaces pour qu'on remonte le prix de la viande. Certes, il faut accompagner ces actions. Mais ce ne sera pas suffisant pour que nos élevages retrouvent un réel revenu.
Daniel Noue, irrigant à Barville-en-Gâtinais : Après des pluies abondantes durant l'hiver, à partir du 5 ou 6 mars, nous n'avons plus eu d'eau. Conséquence : les structures de sols étaient déplorables. D'où des conditions très difficiles pour faire lever les graines, notamment les cultures de printemps. Chez moi, orge et betteraves. Tournesol et maïs pour d'autres. À partir du 1er avril, on a déclenché l'irrigation. Personnellement, j'ai consommé 30 % de mon quota au mois d'avril. On a arrosé également pour faire travailler les engrais qui avaient été apportés sur colza et blé. Certes, nous n'allions pas réarrosé ces parcelles-là. En revanche, nous étions inquiets sur les parcelles d'orge de printemps et de betteraves de tête d'assolement : si la nature ne venait pas nous aider, nous allions être vite coincés ! À la date d'aujourd'hui, nous savons que nous ne réarroserons pas les cultures d'hiver. Même l'orge de printemps devrait aller au bout. Il ne nous restera que les cultures d'été : cela passera. Début mai, nous avons eu des quantités d'eau confortables : 130 mm. Pendant ce temps-là, nous ne pompons pas sur la nappe. Toutefois, on ne sait pas si le débit du Fusin va perdurer comme cela. Les arrêts d'irrigation lorsque la rivière ne coule pas m'inquiètent toujours. Mais les décisions de l'administration ne sont pas toujours justifiés et sont pénalisantes pour les agriculteurs car on ne fait pas une vraie gestion. Par exemple, après un arrêt d'irrigation de 24 à 72 heures, on arrose même quand il y a du grand vent ! Il y a peut-être moyen de voir autrement ce débit de la rivière. Au niveau des piézomètres, il faudrait revoir les seuils qui ne sont pas bien calés.
Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret : Sylvie Brunel a dit des choses très fortes et je partage beaucoup de ses propos. C'est une erreur d'avoir inscrit le principe de précaution dans la Constitution sans garde-fou ni mesure d'application. (...) La recherche scientifique doit être sacrée dans notre pays.
Éric Doligé, sénateur du Loiret et président du Conseil général : Si on continue, un jour, on sortira un texte sur le bien-être végétal ! (...) La réforme territoriale aura des conséquences sur l'agriculture : qui aura la charge d'aller défendre les dossiers auprès des différents partenaires ? On ne sait pas où on va ! La disparition de certaines collectivités locales entraînera, dans une seconde étape, celle du Sénat. Or ce dernier représente les territoires.