« Je ne voulais pas avoir de regrets »
Chloé Norguet élève des cerfs à Épuisay. Elle répond à nos questions.
Horizons : Comment votre élevage a-t-il vu le jour ?
Chloé Norguet : Le projet a été initié par mon père en 1990. C’est le fruit d’un travail collectif d’une quinzaine de producteurs. Ils sont partis du constat que 70 % de la viande de cervidés consommée en France provenaient de Nouvelle-Zélande ou des pays de l’Est. Or, on peut élever du cerf en France. Ces quinze agriculteurs ont créé une sorte de filière gibier. Mais cela a duré peu de temps car concilier les envies de tout le monde fut difficile. Mon père a continué seul la vente directe. Trente ans en arrière, suite à la réforme de la Pac, les exploitations commençaient à se diversifier.
À la base, quelle était l’activité de votre ferme ?
Pendant longtemps, ce fut une ferme vivrière. Ma famille est implantée ici depuis plus de deux cents ans. Nous avons eu des cochons et des chevaux de trait. Plus récemment, mes grands-parents ont eu des vaches allaitantes puis des vaches laitières.
C’est donc une ferme d’élevage.
De manière récente, oui. Cependant, l’activité principale a toujours été la production de céréales.
Depuis quand dirigez-vous l’exploitation ?
J’ai repris la ferme en avril 2017, suite au décès de mon père en octobre 2016.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de prendre le relais ?
Je n’étais pas prédestinée à revenir sur la ferme. Diplômée d’une école de commerce, je vendais du café à Dijon (Côte-d’Or). Après la disparition de mon père, je me suis interrogée. Ne voulant pas avoir de regret, je me suis lancée dans l’aventure !
Comment avez-vous appris votre nouveau métier ?
M’étant installée dans des conditions particulières, je n’ai pas suivi de formation. J’ai appris la partie animale sur le tas. Mais je connaissais le fonctionnement de la structure et la commercialisation. Je suis née en même temps que l’entreprise s’est créée. L’univers m’était donc familier.
En quoi consiste un élevage de cerfs ?
Ce sont des cerfs élaphes, une espèce très rustique qu’on retrouve dans les forêts. Les animaux ont un mode de vie similaire à l’état naturel. Ils se reproduisent lors du brame. La gestation est de huit mois. Les faons arrivent en mai et juin. Pour éviter les problèmes sanitaires, comme dans un élevage standard, les animaux sont vermifuges et bouclés. En revanche, ils sont dehors toute l’année. Comme ils évoluent dans un parc clos, nous veillons à ce qu’ils accèdent à la nourriture quels que soient les aléas climatiques.
De quelle manière nourrissez-vous vos cervidés ?
Les cerfs sont des ruminants. Ils mangent principalement de l’herbe. Nous fournissons du foin, que nous mettons de côté au printemps, et de l’orge cultivée sur la ferme. Nous achetons uniquement les pierres à sel. Celles-ci apportent des oligoéléments.
Le travail semble peu contraignant…
C’est plus de la surveillance que de l’intervention. Il n’y a pas l’astreinte d’une traite matin et soir. Cependant, ce sont des animaux sauvages. Quand j’ai besoin de les attraper pour des motifs sanitaires, c’est beaucoup plus compliqué que des vaches laitières !
Où vos animaux sont-ils abattus ?
Nous travaillons avec un établissement de Vendôme, situé à quinze minutes. Cela évite aux animaux de stresser. Ceux-ci sont abattus immédiatement. Je récupère les carcasses et je les transforme dans notre laboratoire de découpe. Nous y conditionnons la viande sous vide en rôtis, en steaks ou en pavés pour les morceaux nobles. Nous ne valorisons pas nous-mêmes les morceaux secondaires et collaborons avec un charcutier pour l’élaboration des recettes. Selon les saisons, nous fabriquons du civet, de la terrine, des rillettes, du saucisson, etc.
Quels sont vos débouchés ?
Outre les ventes à la ferme, nous travaillons avec des épiceries fines et nous participons à des marchés gastronomiques. Par ailleurs, nous sommes membres du magasin de producteurs de Saint-Gervais-la-Forêt et de Bienvenue à la ferme. Objectif : mettre en avant les productions locales.
Que signifie pour vous être ferme découverte ?
Venir nous voir est le meilleur moyen de comprendre notre métier !
Quels sont vos projets ?
Notre clientèle est très demandeuse au moment des fêtes. Je souhaiterais accueillir plus de monde le reste de l’année. L’enjeu : désaisonnaliser mon activité. Cependant, ma vocation n’est pas de vendre du cerf toute l’année mais d’attirer la clientèle par une offre touristique autour d’un élevage atypique. Via Bienvenue à la ferme ou d’autres groupes de producteurs, je souhaite amplifier la mutualisation des moyens. Ainsi, le magasin de Saint-Gervais-la-Forêt existe car nous sommes plusieurs. Individuellement et collectivement, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour nous professionnaliser.
Propos recueillis par Olivier Joly
Dirigeant la ferme de l’Étang à Épuisay, Chloé Norguet possède 85 biches et deux cerfs. La SAU de l’exploitation est de 180 ha, dont 140 ha de céréales. Les 40 ha restants sont dédiés au fourrage et au parc des cervidés. Durant toute la période estivale, il est possible de visiter l’élevage le mercredi et le vendredi à 10 heures sur rendez-vous. Plus d’informations au 02.54.72.01.67.