« Il faut savoir s’adapter mais on s’en sort toujours »
A 27 ans, Alix Heurtaut conduit (presque) seule, l’exploitation familiale de Villeneuve-sur-Auvers (Essonne).
Originaire de Seine-et-Marne, Alix Heurtaut a grandi au milieu des tracteurs et des moissonneuses-batteuses. Celle qui, adolescente, se destinait à devenir infirmière a finalement choisi l’agriculture pour métier.
A peine son BTS agricole en poche, elle a été précipitée dans le grand bain par ses parents qui lui ont confié la gestion quasi pleine et entière de leur ferme essonnienne issue de la famille maternelle d’Alix.
C’était à l’été 2015, en pleine moisson.
« Mon choix a parfois pu interpeller mon entourage. J’ai vu le regard interrogateur des autres agriculteurs du village en me découvrant au volant du tracteur. Ils se disaient sûrement que je n’arriverai jamais à faire le même boulot qu’eux », se souvient-elle, amusée : « Du coup, tout le monde se souvient de moi. Ils me connaissent plus que je ne les connais ! »
Au quotidien, la jeune femme de 27 ans fait preuve d’une débrouillardise à toute épreuve. « Je suis entourée par mon conseiller technique qui passe une fois par semaine. Ensuite, côté mécanique, j’ai appris les bases avec l’ouvrier de mon père en Seine-et-Marne. Sinon, je lis la notice ou je vais chez le concessionnaire ».
Et lorsqu’il s’agit d’une tâche plus physique, là encore, rien ne l’arrête : « J’utilise régulièrement le télescopique pour porter ou pousser des choses ! Je me débrouille. En tant que femme, il faut développer des trésors d’imagination mais on s’en sort toujours. »
A l’avenir, Alix espère avoir l’occasion de communiquer sur son métier pour montrer que ce n’est pas un milieu fermé et rustre. « Je pense qu’une femme est plus ouverte aux interrogations que peut avoir la société. Elle est aussi plus patiente pour y répondre. La féminisation de l’agriculture pourra peut-être changer le regard de la société sur le côté agriculteur-bourru et apporter plus d’humain et de sensibilité ».
Au fil des générations, cette ferme familiale aura connu bien des rebondissements illustrant l’évolution des mœurs.
« Mes grands-parents ont eu quatre filles et c’était inenvisageable à cette époque qu’une d’entre elles reprenne la ferme. Il a fallu attendre les gendres ! », raconte Alix : « Ma mère n’avait même pas le droit de traverser dans la deuxième cour de ferme ou de monter dans le tracteur. Et c’est cette génération, celle de nos parents, qui a tout changé. »