Grandes cultures : un déficit hydrique
Afin de connaître l’état des cultures d’automne et de printemps en Loir-et-Cher, nous vous proposons un tour de plaine à travers le regard croisé d’un professionnel et de trois techniciens. Tous attendent la pluie.
« Les cultures sortent d’une période hivernale et printanière marquée par des excès d’eau dans les sols hydromorphes avec, pour conséquence, un enracinement de moyenne qualité, déclare Patrick Vernon, coprésident de la section grandes cultures de la FNSEA 41. Nous attendons la pluie avec impatience afin de favoriser le développement végétatif des céréales et d’éviter les pertes de rendements ».
Concernant les cultures d’automne, « les céréales à paille sont en avance de quinze jours car il n’y a pas eu de vernalisation », commente le responsable syndical. La vernalisation correspond à un froid de plusieurs semaines que connaît la céréale afin de bloquer le cycle végétatif.
Les orges sont montées à graine au 22 avril. Habituellement, c’est en mai.
« Le potentiel des céréales à paille est moyen en raison du faible enracinement et de la sécheresse qui commence à sévir », explique notre interlocuteur.
Le colza souffre également mais de manière moins significative. Cependant, les populations d’implantation sont faibles à cause de la sécheresse automnale. Les potentiels de rendements devraient être inférieurs aux autres années. Du fait de l’absence d’hiver, on note également une forte pression de l’altise et du méligèthe.
« Les insecticides employés sont de moins en moins efficaces sur les insectes vulnérables de ces cultures », commente le responsable syndical.
Quid des cultures de printemps ? « Les implantations d’orge ont été relativement tardives », répond Patrick Vernon. Qui poursuit : « La céréale lève et commence à taller. L’absence de talles entraînerait une perte de productivité. (…) Les labours étaient refermés et n’ont pas gelé. Conséquence : les reprises de terre pour le tournesol et le maïs sont difficiles en terre blanche. Les semis se passent dans de bonnes conditions. Cependant, il faudra attendre la pluie pour homogénéiser les levées. (…) Les cultures d’automne et de printemps ont un besoin hydrique significatif ».
Le lin est en floraison. « Les implantations d’automne ont été excellentes, indique le représentant de la FNSEA 41. Mais, avec la sécheresse, seul le maître-brin monte. Les talles secondaires ont tendance à ne pas monter. Cela risque d’affaiblir le potentiel de rendement ».
Plus globalement au sujet de cette crise sanitaire, Patrick Vernon déclare : « Je constate une prise de conscience des enjeux liés à la souveraineté alimentaire. Ceux-ci concernent la quantité produite et la qualité sanitaire. Grâce au savoir-faire généré par nos prédécesseurs, nous sommes capables de produire les céréales dont nous avons besoin. Préserver la qualité nécessite que nous ayons accès à la recherche et aux molécules qui sont mises sur le marché ».
Le représentant syndical poursuit : « Consommer près des lieux de production limite les émissions de CO2 et préserve la qualité sanitaire. En revanche, importer des produits de l’autre bout du monde comporte des risques, tant au niveau de la matière première que du transport. Si on veut préserver la qualité des matières premières, les moyens de transport doivent être immunisés ».
D’ajouter : « L’agriculture est capable de répondre aux exigences alimentaires et sanitaires fixées par la population. Si on nous laisse produire, nous pouvons être compétitifs.
« L’État et la profession doivent réfléchir ensemble pour améliorer notre compétitivité, notamment en termes de moyens de production et d’eau. Celle-ci est cruciale pour notre activité. Dans certaines zones, on peut faire des réserves collinaires et l’État doit nous le permettre. De notre côté, nous savons gérer la ressource. Nous disposons de moyens d’économiser l’eau grâce à des systèmes d’irrigation performants, notamment en récupérant les eaux de drainage », conclut-il.
Olivier Joly
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