Alain Baraton, "l’ange jardin" du château de Versailles
Alors qu’il rêvait, enfant, d’une carrière de photographe parcourant le monde, il vit et travaille avec passion au château de Versailles depuis trente-deux ans.
« Je suis né dans une famille où on se devait de faire des études brillantes. Moi quand j’étais enfant, mon surnom, c’était “La Bouse”. » Cinquième enfant d’une fratrie de sept, Alain Baraton n’a jamais aimé l’école. « Mon truc à moi, c’était la photo. Je rêvais de parcourir le monde avec mon objectif sous le bras », revèle celui qui avait même transformé la chaufferie de la maison familiale en laboratoire photo.
Alors, quand ses résultats scolaires deviennent « catastrophiques », son père l’envoie de force dans un lycée horticole du Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines). « Une prison de trois cents mâles. J’y ai passé trois ans et je suis ressorti avec une seule envie : devenir photographe. » Et c’est cette idée chevillée au corps qui va pousser Alain Baraton tout droit au château de Versailles. « Il fallait que je me fasse un peu d’argent pour payer mon premier déplacement. » En 1976, à dix-neuf ans, il emprunte le Velosolex de sa mère et part chercher son premier job, « un emploi saisonnier de caissier à l’entrée du parc ». Il tombe amoureux des lieux et n’en repartira finalement jamais. « Je me suis rendu compte que ma place était auprès de tous ces arbres magnifiques. C’est un domaine qui a besoin d’être aimé pour être entretenu. »
Deux mois après son arrivée, il devient aide jardinier et à seulement vingt-quatre ans, accède au poste tant convoité de jardinier en chef. Et ensuite ? « Les conférences, les chroniques radio, les livres... : tout s’enchaîne à une vitesse folle. J’ai une chance inouïe dans la vie. Aujourd’hui encore, je suis abasourdi par ce que je vis et ce que je suis devenu », révèle-t-il dans son modeste bureau installé au cœur du parc.
À la tête d’une équipe de quatre-vingts personnes, Alain Baraton vit dans le domaine de 850 hectares et le connait par cœur. « Mon moment préféré, c’est la fermeture. J’ai l’impression que le parc m’appartient. » Avec son franc-parler et sa liberté de parole qu’il cultive précieusement malgré son statut de fonctionnaire, il explique être certain d’apporter beaucoup à Versailles et d’améliorer l’image « trop souvent préjorative » du jardinier. « J’ai fait en sorte qu’on se mette à parler de ces beaux arbres, qu’on réfléchisse à la façon de les traiter, qu’on réfléchisse à l’usage des pesticides... J’ai aussi montré que le jardinier n’est pas forcément un cul-terreux, un péquenaud ou un repris de justice en phase de réinsertion. Pour tout ça, je souffre parfois de crise d’auto-satisfaction », confie-t-il, amusé.
Une de ses plus grandes fiertés ? Avoir été fait Officier dans l’ordre du Mérite agricole. « Une revanche pour “La Bouse” ! J’ai réussi. Versailles me doit beaucoup mais je dois tout à Versailles. Je dis souvent que je suis né en 1976. »