« Une solidarité s’est mise en place »
Nicolas Perruchot, président du conseil départemental de Loir-et-Cher, détaille la politique de l’institution afin que chaque Loir-et-Chérien dispose d’un masque en tissu à partir du 11 mai, date du déconfinement.
Horizons : Combien de masques le Département a-t-il commandés ?
Nicolas Perruchot : Notre action repose sur deux axes. Premièrement, la fabrication de masques. Le tissu, les élastiques et le fil viennent d’arriver. Juste en dessous de moi, dans une petite pièce, des personnes préparent les colis qui partiront dans les cantons. 1 100 couturières se mettront au travail dès ce week-end (ces propos ont été recueillis le 30 avril, NDLR) si elles le souhaitent. Cela permettra de fabriquer 90 000 masques, dont 30 000 seront destinés aux enfants de 6 à 11 ans. Par ailleurs, nous avons commandé 100 000 masques en tissu.
En parallèle, de nombreuses communes ou communautés de communes avaient lancé leur propre production. 140 000 masques sont en cours de fabrication par ce biais. Au total, 330 000 masques seront mis à la disposition des Loir-et-Chériens. Nous espérons être prêts le 11 mai.
Avez-vous rencontré des difficultés d’approvisionnement ?
Nous avons décidé de fabriquer des masques Afnor (Association française de normalisation). Cela nécessite plusieurs couches de tissu afin que les masques offrent un haut niveau de filtration. Il y a une dizaine de jours, de nombreuses collectivités locales cherchaient ce type de tissu. Passer la commande ne fut pas le plus difficile.
En revanche, nous avons croisé les doigts afin de ne pas être réquisitionnés. Nos élastiques ont failli l’être par l’État. Finalement, toute la matière première est arrivée et nous l’avons obtenue à un prix correct. Concernant les masques, nous avons trouvé des fournisseurs. Nous devrions être livrés rapidement. Nous attendons de voir si la qualité est conforme à ce que nous avions imaginé.
Quand les masques seront-ils prêts et comment ceux-ci seront-ils répartis ?
Lorsque les masques auront été fabriqués, nous les récupérerons. Les masques enfants seront livrés à l’Inspection académique afin d’être répartis dans les écoles et les collèges qui ouvriront mi-mai. Quant aux masques adultes, ils seront livrés avec une notice explicative (niveau de protection apporté, procédure d’utilisation, lavage, etc.). L’ensachage sera effectué par des entreprises locales. Récupérer les masques et les emmener dans ces entreprises nécessiteront un peu de logistique. La répartition se fera ensuite avec les maires.
Comment avez-vous procédé pour mobiliser plus d’un millier de couturières ?
Depuis le début de la crise, deux fois par semaine, je réalise une vidéo sur Facebook afin d’informer les Loir-et-Chériens de l’évolution de l’état sanitaire du département. Les vidéos durent entre six et huit minutes afin de donner un maximum d’informations en un minimum de temps. Chacune de ces vidéos est regardée par environ 30 000 personnes. Désormais, nous ajoutons quelques éléments en situation en nous rendant sur le terrain. Très vite, des chefs étoilés et des producteurs locaux se sont mobilisés afin de préparer des repas pour les personnels soignants, les résidents des établissements pour personnes âgées dépendantes et les malades dans les hôpitaux.
Mi-avril, nous avons utilisé l’une de mes vidéos pour lancer un appel aux couturières. En quelques heures, quatre cents personnes se sont inscrites. Le lendemain, nous en avions six cents. Quelques jours après, elles étaient neuf cents. Cette semaine, nous en sommes à plus de mille inscriptions. Au départ, je n’imaginais pas qu’il y aurait autant de réponses positives. Une solidarité s’est mise en place et cela fait plaisir. J’ai reçu de nombreux mails de gens qui voulaient simplement donner du temps : faire les courses alimentaires ou porter les repas à domicile. C’est l’avantage d’un territoire comme le nôtre. Dans nos villages, les gens se connaissent. Nous avons donc la capacité de garder du lien. Les agents du Département répondent également présents. J’espère que nous garderons ces liens au-delà de cette période dont nous ne connaissons pas le calendrier mais qui sera sans doute assez longue.
Le 11 mai, chaque Loir-et-Chérien disposera-t-il d’un masque ?
Je pense que les masques seront fabriqués ou arrivés. Aurons-nous eu le temps de les livrer dans chaque commune d’ici là ? Notre dispositif le permet. Les conseillers départementaux et les maires sont mobilisés. Reste à savoir si tout le monde sera allé chercher son masque.
Quel est le montant de l’enveloppe que le Département consacre à la gestion du Covid-19 ?
Nous avons mobilisé deux millions d’euros. Cette somme servira à acheter le tissu pour fabriquer les masques et le matériel (blouses, gants, vitres en plexiglas, etc.) pour nos agents et les familles d’accueil. Avec la Délégation militaire départementale, nous fabriquons également 4 000 visières. Celles-ci seront livrées petit à petit puisque d’autres équipes de bénévoles sont à l’œuvre. (…) Nous commençons à regarder l’impact de la crise sur nos recettes.
Ainsi, la taxe sur les transactions immobilières, qui a un bon rapport, baissera certainement cette année car le marché de l’immobilier est à l’arrêt. Nous enregistrerons également une diminution de la taxe sur les sociétés d’assurances. Au début de l’été, nous verrons comment reconstruire l’équilibre de notre budget et hiérarchiser un certain nombre d’investissements et de frais de fonctionnement. Notre gestion est saine. Nous avons la capacité de faire face à la crise et aux demandes qui sont devant nous.
Comment voyez-vous la réouverture des collèges ?
Les collèges rouvriront le 18 mai. Nous demandons au gouvernement que les règles soient les mêmes pour tous et qu’elles soient applicables sur le terrain. L’enjeu : éviter les aberrations qui pourraient venir de Paris. Parfois, dans les ministères, nous avons affaire à des gens qui sont déconnectés de la gestion quotidienne d’un établissement scolaire. Nous sommes régulièrement en discussion, par téléphone ou en audioconférence, avec le préfet, la directrice académique et la présidente de l’Association des maires du Loir-et-Cher.
Mais, à l’heure où nous parlons, des zones d’ombre demeurent. Elles concernent l’organisation des transports et de la restauration scolaires avec les règles de distanciation sociale. Le nombre d’élèves par classe est aussi une question. Le retour des enfants sur la base du volontariat ne nous facilite pas la tâche ! Nous nous sommes engagés à être prêts le 12 mai pour les écoles et le 18 mai pour les collèges. Nous le serons !
Propos recueillis par Olivier Joly